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À cette même séance, on a fait entendre une symphonie inédite de M. Saint-Saëns, où il y a du talent et quelques bonnes parties, notamment le troisième épisode, qui aurait exigé toutefois un plus grand développement. Le chœur des bacchantes de Philémon et Baucis, de M. Gounod, a obtenu beaucoup de succès à ce dernier concert de la Société des Jeunes Artistes, que M. Pasdeloup conduit bravement, mais avec plus de zèle et de pétulance qu’il ne faudrait. Si M. Pasdeloup pouvait en effet modérer un peu sa pantomime et transmettre les mouvemens d’un geste plus large et moins fiévreux, je crois que l’exécution de sa vaillante petite cohorte y gagnerait.

Parmi les sociétés qui donnent à Paris des séances de quatuors et de musique de chambre, c’est toujours celle de MM. Allard et Franchomme qui marche à la tête de toutes les autres, et où l’on entend les choses les plus exquises et les mieux rendues. À la troisième matinée, qui a eu lieu le 12 février, MM. Planté et Franchomme ont exécuté avec une rare perfection la sonate pour piano et violoncelle de Beethoven. Puis est venu le dixième quatuor pour instrumens à cordes du même maître, qui a émerveillé ce public d’élite qui, depuis treize ans, est habitué à goûter de pareilles délicatesses. À la cinquième séance, j’ai entendu le trio de Beethoven en ut mineur pour piano, violon et violoncelle, qui a été rendu avec la même perfection, surtout par M. Planté, qui jouait la partie de piano, et à ce morceau admirable a succédé le duo pour piano et violoncelle de Mendelssohn, où se trouve un choral profondément marqué de ce sentiment religieux que Mendelssohn exprime toujours avec bonheur. La séance a fini par le quintette en la pour instrumens à cordes de Mozart, qui primitivement avait été écrit pour des instrumens à vent. La foule, et une foule élégante, ne cesse de suivre les séances de MM. Allard et Franchomme, qui, après les concerts du Conservatoire, sont les plus intéressantes de Paris.

La société de MM. Maurin et Chevillard, fondée, il y a dix ans, pour l’interprétation des derniers quatuors de Beethoven, poursuit également le cours de ses succès. À la troisième séance, ils ont exécuté le quatuor en ut dièse mineur, qui renferme tant de choses contestables à côté des chants les plus sublimes. On a fini par le quatuor en ut, qui est le neuvième dans la série des dix-sept merveilles qu’on doit à Beethoven dans ce genre de composition, M. Hans de Bulow a joué à cette matinée la sonate pour piano seul [opera 111) de Beethoven avec un talent incontestable, mais avec plus de force et de netteté que de moelleux. Peut-être M. de Bulow veut-il avoir plus d’esprit que Beethoven, car il s’appesantit trop sur certaines nuances de rhythme qu’il dissèque avec une prétention à la profondeur qui manque son effet. Les matinées de MM. Maurin et Chevillard sont d’un grand intérêt, et ces artistes honorables et de mérite, dont l’exécution devient chaque année plus fondue et plus délicate, ont atteint le but qu’ils se sont proposé, de répandre la lumière sur les dernières inspirations du plus grand compositeur de musique instrumentale qui ait existé.

C’est pour la propagation de l’œuvre de Mendelssohn que s’est formée la Société des Quatuors, de MM., Armingaud et Léon Jacquard. Depuis, ils ont étendu leur domaine sur toute la musique de chambre, qu’ils exécutent avec soin et passion. À la troisième séance, j’ai entendu le trio pour piano, violon et violoncelle de Weber, morceau agréable, parfois brillant, mais d’une