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construction et d’industrie, dont le prix s’accroît tous les jours. En comparant en effet le prix de ces bois dans les différentes régions de la France à diverses époques, on peut s’assurer que cette augmentation est un fait sans exception. Dans la plupart des départemens, ce prix est double aujourd’hui de ce qu’il était il y a quarante ans. Il n’en est pas de même du bois de chauffage, dont le prix est resté à peu près uniforme, ou même a diminué dans presque tout le bassin d’approvisionnement de Paris. Il n’a augmenté sur certains points que par suite de circonstances exceptionnelles, telles que la création de routes ou de chemins de fer. Puisque le régime du taillis ne donne en général que du bois de feu, et que la futaie seule peut produire du bois de service et d’industrie, une commune n’a point à hésiter sur le choix du traitement applicable à ses forêts, quand elle est en position de pouvoir opter.

La science forestière n’est malheureusement guère plus connue aujourd’hui que du temps de Buffon, qui dès 1774 se plaignait de l’ignorance du public à cet égard. « Il serait naturel, disait-il dans un mémoire adressé à l’Académie des Sciences, de penser que les hommes ont donné quelque attention à la culture du bois ; cependant rien n’est moins connu, rien n’est plus négligé. Le bois paraît être un présent de la nature qu’il suffit de recevoir tel qu’il sort de ses mains… On ignore jusqu’aux moyens les plus simples de conserver les forêts et d’augmenter leurs produits. » Il serait temps ce pendant de nous y mettre, de chercher à augmenter la production ligneuse par l’emploi de méthodes de plus en plus perfectionnées, et d’étendre, par l’amélioration de nos massifs, les ressources forestières dont pourront disposer ceux qui viendront après nous. C’est là précisément le but de la sylviculture, qui contribue à ce titre, dans une certaine mesure, aux progrès de la civilisation. Et ce rôle n’est point sans importance. Le progrès en effet n’est pas autre chose qu’un accroissement continu de capitaux soit matériels, soit moraux. Une génération laisse-t-elle plus de capitaux accumulés qu’elle n’en a reçu, elle a fait avancer l’humanité et contribué à notre émancipation ; en a-t-elle consommé plus qu’elle n’en a produit, son bilan se solde par un déficit, elle a spolié d’autant la génération suivante et retardé sa marche dans le progrès. Si nos descendans ne devaient pas trouver des forêts plus productives, mieux cultivées, mieux distribuées sur la surface du pays que nous ne les avons trouvées nous-mêmes, nous manquerions à nos devoirs envers eux. Les principes qu’on vient de développer nous apprennent à quelles conditions ce résultat peut être atteint.


J. CLAVE.