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qui, ayant aujourd’hui de soixante à quatre-vingts ans, en auront alors de quatre-vingts à cent, et seront devenues exploitables à leur tour. On opère ainsi de vingt ans en vingt ans, coupant pendant chacune de ces périodes les bois les plus âgés, qui laissent après eux de jeunes semis pour les remplacer. Lorsque la révolution est expirée, la forêt tout entière, ayant été exploitée, se trouve reconstituée dans son état primitif, avec la série complète de bois âgés depuis un jusqu’à cent ans. En procédant ainsi, il suffit, on le voit, de calculer la possibilité pour vingt années seulement au début de chaque nouvelle période, et de connaître par conséquent le nombre de mètres cubes que donnent les arbres de quatre-vingts à cent ans qui devront tomber pendant ce laps de temps. La possibilité annuelle sera la vingtième partie de ce nombre. Cette estimation se fait soit à vue d’œil, soit au moyen d’instrumens spéciaux qui, donnant le diamètre et la hauteur de chaque, arbre permettent d’en déterminer exactement le volume. Toutes ces opérations sont fort simples, mais elles exigent un peu d’habitude. Quand on a suivi quelques exploitations, qu’on a vu abattre les arbres, équarrir les tiges, façonner les branches en bois de feu, confectionner les bourrées, on arrive rapidement à acquérir un coup d’œil très sûr, et, comme la plupart des gardes et des marchands de bois, à dire, à la seule inspection d’un arbre sur pied, la quantité de matière ligneuse qu’il représente, les usages auxquels il est propre, et par suite le prix qu’on en pourrait obtenir d’après l’état du marché.

Pour que l’aménagement d’une forêt soit complet, il ne suffit pas de connaître la quantité de bois qu’on peut y prendre chaque année sans en compromettre la production future ; il faut encore que les coupes ne soient pas portées au hasard sur les différens points. La régularisation des massifs boisés et la graduation des âges, tel est le but qu’on ne doit jamais perdre de vue. Une forêt n’est en effet dans son état normal que lorsqu’elle présente dans toutes ses parties un peuplement uniforme et complet, et qu’elle comprend, se succédant de proche en proche, sans interruption, les bois de tous les âges, depuis le brin naissant jusqu’à l’arbre prêt à tomber. C’est alors seulement qu’elle se trouve dans les meilleures conditions de végétation, parce que des arbres de toutes dimensions irrégulièrement mélangés se gênent dans leur croissance, et l’on ne peut diminuer le mal que font les exploitations aux massifs voisins qu’en les concentrant sur un même point, au lieu de les disséminer dans les différentes parties de la forêt. On arrive à cette régularité désirable au moyen d’un plan d’exploitation qui, en faisant connaître l’époque où chacune de ces parties sera régénérée, les repeuplemens artificiels à effectuer, permet de graduer convenablement les