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en vint à quitter subitement le pouvoir au mois de juin, et immédiatement il le reprenait, se tournant définitivement vers le parti libéral, formant un cabinet de cette opinion, dont les membres principaux étaient le licencié Aranda et le général noir Laurencio Silva. Par cette péripétie du 21 juin, la situation du Venezuela se trouva totalement transformée ; c’était un échec complet pour les oligarques évincés du pouvoir et en même temps une avance faite au parti révolutionnaire, à qui on proposait la paix.

Tout fut inutile. La révolution n’avait cessé de se développer pendant qu’on s’agitait stérilement à Caracas. Le général Zamora avait organisé à Barinas une sorte de gouvernement provincial qui fonctionnait presque régulièrement. Sotillo occupait toujours les provinces d’orient. Enfin, le 24 juillet, le général Falcon, longtemps attendu comme le chef le plus autorisé de la révolution, débarquait près de Puerto-Cabello. Les événemens marchaient si vite que, le 30 juillet, il circulait à Caracas une proclamation désignant les généraux Falcon et Zamora comme les héros et les chefs de la régénération fédéraliste.

La situation était critique. Castro, débordé par l’insurrection, avait rompu trop ouvertement avec les oligarques pour se tourner encore vers eux. Il fit un pas de plus : il publia lui-même une proclamation par laquelle il semblait se rallier au fédéralisme. N’ayant pas su conjurer la révolution, ne pouvant la dominer, il tâchait de s’y associer et de prendre position pour balancer l’influence de Falcon et de Zamora. Il était trop tard ; les événemens allaient se précipiter d’une singulière façon et déjouer tous les plans. Dès le lendemain en effet, le 1er août, Castro fut surpris chez lui et mis en arrestation par les deux bataillons Cinco de marzo et Convencion, dont les officiers lui devaient leur position et leurs grades, et ne le trahissaient pas moins. Cela fait, ces officiers proclamèrent la fédération et le général Falcon. Une partie de la population fut appelée à former un gouvernement provisoire. Le général Silva resta commandant militaire supérieur. Ce gouvernement alla siéger dans une maison de la place San-Pablo, et se hâta de rédiger l’acte de pronunciamiento qu’il fit publier. En présence de ce mouvement, les oligarques de leur côté ne restèrent point inactifs. Délivrés du général Castro, ils organisèrent la résistance dans leur propre intérêt, et trouvèrent un secours très efficace dans le colonel Casas, qui était maître du parc d’artillerie de la capitale, et qui refusa nettement de reconnaître le gouvernement insurrectionnel.

La lutte était ainsi flagrante entre les deux partis. Le tout était de savoir qui pouvait compter sur la garnison. Le gouvernement établi à San-Pablo, pour s’assurer jusqu’au bout l’appui des deux bataillons