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Miramon arriva à Mexico le 21 janvier sans escorte, évitant toute démonstration officielle, et il alla droit chez son père ; il arrivait mécontent, sentant sa force et ne cachant nullement ses dispositions sévères. Il reçut tout le monde avec hauteur. Le vieux général Salas voulut lui dire que s’il songeait à rétablir Zuloaga, il ne serait point appuyé : Miramon répondit qu’il ne comptait sur personne, si ce n’est sur son épée. Quant au général Roblès, qui était un officier du génie, il lui signifia de se préparer à l’accompagner dans les opérations qu’il méditait contre la Vera-Cruz. Les vieux généraux et d’autres murmuraient bien un peu des façons de ce dominateur de vingt-six ans, de ce muchacho, comme on disait, car ils n’étaient pas accoutumés à être ainsi traités ; on subissait néanmoins son ascendant. Sans accepter la présidence qui lui était dévolue par le vote de la junte, Miramon avait commencé par se faire nommer général en chef de l’armée mexicaine. Trois jours après, le 23 janvier, il rappelait à la présidence le général Félix Zuloaga. Le mouvement des généraux Echeagaray et Roblès était considéré comme non avenu. Zuloaga était donc solennellement rétabli le 24 janvier 1859.

Il était bien clair cependant que ce pouvoir restauré s’éclipsait entièrement derrière le hautain protecteur qui le remettait ainsi sur pied. Nul ne pouvait s’y tromper. Zuloaga seul peut-être avait la simplicité de se prendre au sérieux. Pour tout le monde à Mexico, cette situation n’était qu’un artifice, et en admettant même cette restauration comme un hommage rendu à un semblant de légalité, on sentait que la magistrature suprême devait aller là où était la réalité du pouvoir. C’est ce que le général Zuloaga lui-même était contraint de reconnaître, pressé par l’opinion, et une semaine était à peine écoulée qu’il abdiquait l’autorité présidentielle, la remettant par un décret à Miramon. Cette fois Miramon acceptait la situation qui lui était faite, et le 2 février il prenait possession du pouvoir par un discours où il disait des vérités un peu dures à tout le monde, même à son parti, ce que les conservateurs n’entendaient pas sans étonnement. Désormais on pouvait peut-être s’attendre à des fautes nées de l’inexpérience politique du nouveau président, et encore plus de l’inextricable situation du pays, — non à de la mollesse.

La première pensée de Miramon fut d’aller forcer le gouvernement de M. Juarez dans sa citadelle de la Vera-Cruz. Là était à ses yeux le nœud de la question. Après avoir formé un ministère et s’être procuré quelque argent par un impôt extraordinaire, le président partit le 16 février et dirigea ses forces contre la Vera-Cruz. Si Miramon n’avait eu qu’à vaincre l’ennemi qui était devant lui, il eût probablement réussi ; mais il était dans une de ces situations confuses où tout se déplace à chaque instant. Les opérations furent