Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 27.djvu/363

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Rome ? et que gagnerait l’Italie, perdant à Rome, qui ne serait plus qu’un musée, son plus ancien centre et sa plus vieille grandeur ? L’unité morale respecte toutes les grandeurs italiennes ; l’unité matérielle les sacrifie toutes à une grandeur unique et nouvelle qui devient la seule ressource de l’Italie et son seul avenir. Elle met tout sur une seule carte.

Je dirai de Naples ce que je viens de dire de Rome. Dans l’incertitude de l’expérience que tente en ce moment l’Italie, il n’est pas de l’intérêt de la France de s’employer à détruire l’indépendance du royaume des Deux-Siciles. Si les populations de l’Italie méridionale veulent s’unir avec les populations de l’Italie septentrionale et ne plus former qu’un seul état, la France ne doit ni empêcher ce mouvement ni y aider ; mais elle n’a aucun intérêt à défaire de ses propres mains ce qui reste d’indépendances locales en Italie. Pourquoi déferait-elle elle-même ou la principauté temporelle du pape, ou l’indépendance du royaume des Deux-Siciles ? Si l’Italie préfère son unité politique à tout, elle est bien assez forte pour l’accomplir. Nous estimons fort l’unité des états, nous ne croyons pas cependant que l’unité soit le seul bien des peuples ; nous n’adoptons pas la vieille et triste devise de la république française : unité, fraternité, indivisibilité ou la mort. Nous souhaitons à l’Italie, nous souhaitons aussi à l’Allemagne d’arriver à toute l’unité qu’elles peuvent comporter. Nous ne pensons pas pourtant qu’en Allemagne la civilisation, les lettres, les sciences et les arts aient à se plaindre que Munich, Dresde, Stuttgart ou Weimar ne soient point depuis longtemps des chefs-lieux de préfecture prussiens ou autrichiens.

J’ai dû m’expliquer sur l’unité de l’Italie, qui est la grande question du moment. Je reviens à la situation de la papauté en Italie et à son union nécessaire avec la France, aussitôt que la France cesse de vouloir tenir des possessions en Italie.


II

Lorsqu’au VIIIe siècle de notre ère les papes se virent abandonnés par l’empire d’Orient, trop faible pour défendre Rome, et qu’ils se sentirent menacés par les Lombards, qui, maîtres de l’Italie septentrionale, visaient à s’emparer de toute l’Italie, ils s’adressèrent aux Francs, à Pépin le Bref, à Charlemagne. Le pape Étienne II supplia Pépin le Bref de venir à son secours, et pour mieux toucher le cœur du roi de France, il fit parler saint Pierre lui-même. C’est saint Pierre qui demande à ses fils adoptifs de défendre Rome contre les attaques de ses ennemis, Rome, c’est-à-dire le lieu où il repose selon