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ques autres articles, elle ne maintenait que des taxes d’équilibre correspondant à des taxes intérieures. Toutes ces concessions, à part un petit nombre, étaient immédiates. La France, à diverses dates, supprimait la prohibition pour la remplacer par des droits dont le maximum serait de 30 pour 100 de la valeur, abaissés à 25 pour 100 à une époque déterminée ; elle réduisait en outre les droits sur la houille et le coke, la fonte, les fers et les aciers, les outils et les machines, les fils et les étoffes de lin et de chanvre. Telles étaient les conditions principales sur lesquelles l’accord s’était établi. Alors, mais seulement alors, la mission de M. Cobden changea de nature. De négociateur il devint plénipotentiaire, et mit sa signature au bas du traité. Peut-être n’était-il pas le moins étonné d’avoir si bien réussi.

Ce traité a été vivement attaqué des deux côtés du détroit. On lui a reproché de n’être pas assez étudié, de violer les principes, d’être onéreux aux deux parties. Un mot suffit pour le défendre : il est ce qu’il pouvait être, rien de plus, rien de moins. S’il blesse profondément les favoris du privilège, il ne donne pas aux amis de la liberté une satisfaction sans mélange. Pour les uns il va au-delà, pour les autres il reste en-deçà d’un arrangement vraiment profitable aux intérêts du pays ; puis une condition essentielle lui manque, c’est le débat libre. Il faudrait pourtant se mettre d’accord sur les torts qu’on impute à ce pacte. En France, on l’accuse d’avoir été fait au profit de l’Angleterre, en Angleterre d’avoir été fait au profit de la France. Où est la vérité ? Pour les hommes de bonne foi, il est démontré que là où l’Angleterre donne un gage sérieux, la France ne donne qu’une promesse en bien des points illusoire. Dans dix-huit mois d’ici, un mot, la prohibition, aura disparu des tarifs ; mais si les droits sont portés au maximum du traité, la chose restera. L’interdit sera le même, l’écart est trop grand pour qu’une concurrence s’établisse. Pourquoi donc la manufacture jette-t-elle de si hauts cris ? On ne ferait que lui donner la sécurité sous une autre forme. Se sentirait-elle plus directement menacée ? comment ? dans quelle mesure ? On ne le sait. Là est le vide, le défaut du traité ; il est une lettre morte jusqu’à l’interprétation ; il est un cadre, reste à savoir comment on le remplira ; il garde jusqu’au bout son allure arbitraire. Les hommes qui n’aiment pas le bruit pour rien n’ont qu’à attendre et à se réserver. Quand le traité sera un traité, quand il aura une consistance, un corps, des clauses déterminées, il sera temps de juger ce qu’il est, où il va et quels effets il doit produire.

M. Cobden n’a pas été épargné dans les attaques dont le traité de commerce a été l’objet ; comme le traité lui-même, il a essuyé un double feu. En France on en a fait un agent secret de l’Angleterre,