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à l’œuvre en Sicile, a hautement avoué son but. Il veut réunir toutes les forces de la péninsule pour achever l’affranchissement de la péninsule ; il veut faire de l’Italie un état unique, afin que l’Italie soit assez forte pour reconquérir la liberté de Venise. — Ainsi la révolution italienne renverse une dynastie, c’est sa première étape. Elle heurte la papauté et ébranle le monde catholique, c’est la seconde, et à la troisième elle entre en guerre contre l’Autriche. Nous ne contestons point que telle soit en effet la perspective de la révolution italienne, bien qu’il soit possible que les choses ne se pressent point avec la promptitude et la rigueur que la logique de la révolution semble annoncer. Toute la question pour nous est de savoir si ces dangers seraient atténués ou aggravés dans le cas où toutes les grandes puissances se rallieraient au principe de non-intervention. Le doute à nos yeux n’existe pas. S’il s’agit entre deux maux de choisir le moindre, c’est le principe de non-intervention absolue qui doit l’emporter. Si l’on ne veut pas faire dévier les révolutions des peuples étrangers, les prolonger et en appeler sur soi les conséquences funestes, il faut les abandonner à elles-mêmes. Que de maux l’Europe nous eût épargnés, de quelles souffrances et de quels désastres elle se fût préservée, si elle eût compris cette vérité en 1792 !

Toutes les grandes puissances auront-elles cette sagesse et montreront-elles cette patience envers les développemens naturels de la révolution italienne ? Nous voulons l’espérer et nous n’osons l’affirmer ; mais dans l’attente des incidens qui peuvent naître d’une situation si extraordinaire, tout le monde doit sentir combien il importe que les relations de la France avec les autres puissances soient placées dans les meilleures conditions possibles, et apprécier les avantages qui peuvent résulter de l’entrevue de Bade. Si l’on ne s’en tient pas absolument, dans les affaires d’Italie, au principe de non-intervention, du moins on pourra se rallier à un principe subsidiaire : l’on n’interviendra qu’à la condition que les cinq grandes puissances se soient mises d’accord entre elles pour fixer l’objet, les limites et les moyens d’action de l’intervention. C’est surtout dans les affaires de l’empire ottoman que le principe qui subordonne l’intervention à l’accord préalable des cinq puissances trouve son application la plus utile. C’est celui à l’aide duquel on vient heureusement d’arrêter l’initiative singulière que la Russie a essayé de prendre dans la question des chrétiens d’Orient. Le prince Gortchakof s’est aperçu de la mauvaise impression qu’avait produite en Europe l’étrange procédé par lequel il a ouvert cette question. La solennité d’une convocation d’ambassadeurs auxquels on venait dénoncer l’administration intérieure d’un état indépendant, en excluant justement de la réunion le représentant de la puissance accusée, rappelait avec trop peu d’adresse les anciennes prétentions de la cour de Pétersbourg à l’endroit de la Turquie. Le prince Gortchakof a compris que l’émotion excitée par cette ouverture était loin d’être favorable à la Russie, et il a cherché à la calmer par une circulaire