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vanité plus encore que l’orgueil, et de ne point en embrasser avec un sentiment assez grave les responsabilités et les charges.

La démarche de l’empereur auprès du prince-régent n’a point encore sans doute une signification égale à celle que nous attribuons aux diverses initiatives possibles que nous venons d’énumérer, et qui sont ouvertes à la France ; elle peut au moins être envisagée comme le point de départ naturel des résolutions que nous serions heureux de voir prendre au nom de notre pays. Les résultats de l’entrevue ne tarderont sans doute pas à être connus. Nous qui ignorons ce qui va se dire à Bade, nous ne pouvons apprécier que l’apparence extérieure du fait. Or, à n’en juger que par l’apparence, et lors même qu’il n’y aurait dans l’entrevue des deux princes qu’un acte de courtoisie, il serait permis d’en attendre des conséquences heureuses. L’entrevue de Bade devrait justifier cette espérance, lors même que l’influence n’en dépasserait pas le cercle de l’Allemagne. Nous le répétons, l’Allemagne est celui des pays de l’Europe où les derniers événemens ont jeté le plus grand trouble moral. La guerre d’Italie et la paix de Villafranca avaient causé un profond malaise à l’esprit allemand. L’Allemagne sentait avec amertume qu’elle n’avait pas joué dans ces événemens un rôle digne d’une grande nation. Ce mécontentement intérieur d’un grand peuple devait naturellement se traduire en récriminations passionnées. Où était fa cause de l’impuissance douloureuse qui venait de se manifester ? Dans le fractionnement politique qui énerve la nation, disaient les patriotes qui aspirent à l’unité ; — dans les convoitises et les tergiversations de la Prusse, disaient les organes des états secondaires, les partisans de la constitution fédérale et les amis de l’Autriche. Aux dissensions allumées par les événemens d’hier s’ajoutaient de nouvelles alarmes. C’est la Prusse, disait-on, qui est maintenant exposée aux agressions de la France ! Et pour preuve on alléguait le cri des frontières naturelles poussé chez nous, et l’annexion de la Savoie, que l’on voulait regarder comme le prélude de la revendication des frontières du Rhin. Dans cette perspective arbitrairement évoquée, les adversaires de la Prusse cherchaient contre elle une menace de prochaines représailles, et ses amis un plus puissant et plus pressant argument en faveur de son hégémonie. À quoi l’Allemagne se résoudrait-elle en face du péril dont elle se croyait menacée ? Chercherait-elle le salut dans l’unité nationale ou dans l’union des états qui la composent ? Mais en ce moment le travail unitaire ne pouvait qu’aggraver les divisions et l’affaiblissement commun qu’elles entraînent. La politique d’unité compliquait en effet d’une révolution intérieure la crise provoquée par le danger extérieur. Il est surprenant que les Allemands aient mis tant de temps à pressentir cette conséquence, et que, croyant comme ils y croyaient au danger extérieur, ils ne se soient pas aperçus plus tôt que c’était avant tout à l’union des élémens actuels de la confédération qu’ils devaient demander la garantie pratique de leur sécurité. Cette idée, quoique lentement, a fini pourtant par