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un sucre d’une nuance trop foncée. L’innovation se montra doublement heureuse. En même temps que le mal fut arrêté, on vit même, sur les terres inclinées et argileuses de la région moyenne où la canne blanche végétait péniblement, la nouvelle variété dépasser en vigueur les plus belles plantations du littoral, et ses racines plus profondes résister mieux aux ouragans. On lui a associé, comme participant à ses privilèges, une autre sorte de canne qui porte le nom de son introducteur, M. Diard.

Le guano a exercé aussi une heureuse influence sur la production. Autrefois l’hectare donnait en première coupe 4,200 kilogrammes de sucre, et la moitié pour les recoupes de deux ans. Aujourd’hui les terres parfaitement travaillées et fumées produisent le double. On doit une partie de ces succès à des sarclages multipliés et faits avec soin ; ce qui appartient incontestablement au guano, c’est la réduction de l’étendue et de la durée des soles réservées pour le repos et l’alternance des terres, ainsi que l’appropriation à la canne de terrains qui n’auraient pu sans cet engrais la porter avec avantage. Pour refaire les terrains épuisés, les planteurs ont substitué à l’espèce de pois qui était usité comme engrais en vert, et qui avait dégénéré, le pois noir ou de Mascate, plante annuelle, robuste, croissant partout et en toute saison, dont le feuillage rampant et touffu abrite le sol sous une bourre épaisse favorable à la composition de l’humus : enfoui, à la façon des lupins d’Europe, en un matelas de verdure, il devient un engrais excellent. Il reste à l’esprit de réforme agricole à mieux utiliser les forces animales et mécaniques pour la coupe et le transport des récoltes, autant du moins que le permet un sol tout jonché de pierres, débris des laves primitives, et à prévenir les ravages du borer (proceras sacchariphagus), insecte tellement nuisible que Maurice a fondé un prix de 50,000 fr. pour la découverte d’un moyen efficace de destruction.

Les résidus des sucreries sont livrés aux guildiveries, nom local de l’industrie qui fabrique les araks et les rhums, spiritueux non moins goûtés du peuple et non moins dangereux que leurs similaires d’Europe ; aussi en a-t-on assujetti la fabrication et le commerce à divers impôts qui figurent au budget des recettes de la colonie, en 1859, pour une contribution de 1,400,000 fr. Les produits de ces guildiveries s’exportent peu en Europe, à la différence des rhums des Antilles ; l’emploi de sirops inférieurs dans la fabrication, la rareté des récipiens, expliquent la défaveur qui pèse sur ces produits. Aussi poursuit-on quelques essais pour donner aux résidus une autre destination en transformant les mélasses en sucres concrets.

La distillation du vesou, jus de la canne, a rendu familières à la colonie les industries analogues. On y prépare des vinaigres, des liqueurs, des parfums, des vernis à meubles et à tableaux, des médicamens