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ont quelquefois mérité une partie des reproches qui leur ont été adressés. D’un autre côté, il ne faudrait pas conclure, du bruit exagéré qui s’est fait, que les compagnies ont toujours et partout eu tort : leurs adversaires très souvent ne sont pas de la plus entière bonne foi, et de plus ils commettent de graves erreurs d’appréciation. Il ne faudrait pas faire pâtir outre mesure les concessionnaires des voies ferrées du rôle qu’ils sont appelés fatalement à jouer. En mettant en relations plus directes le producteur et le consommateur, ils ont notamment amené la suppression d’intermédiaires qui ont pu avoir jadis quelque utilité, mais qui ne seraient plus aujourd’hui que des parasites improductifs. Partisans intéressés de l’ancien régime, ces intermédiaires ne se sont pas facilement résignés à le voir tomber, et ils ont essayé de le maintenir debout en exploitant les fautes des compagnies et les sentimens de défiance qu’elles ne se sont point suffisamment attachées à combattre. S’il doit en être ainsi des commissionnaires de roulage, la question n’est plus la même quand il s’agit de la navigation intérieure. Pour le moment, les bénéfices de la batellerie diminuent beaucoup plus que le trafic, et le public ne songe pas à s’en plaindre, estimant d’ailleurs que les deux modes de transport lui sont fort utiles, ne fût-ce qu’indirectement, en entretenant une concurrence salutaire à sa bourse. L’avenir au contraire est gros de menaces à l’égard d’une entreprise dont la ruine, si elle n’était pas produite par la force naturelle des choses, serait vraiment une calamité publique. Il est donc légitime que, de ce côté, ait surgi une agitation qui autrement ne serait qu’artificielle.

Si l’on réfléchit à l’influence qu’exercent les entrepreneurs de transports dans les chambres de commerce, où ils sont peut-être en majorité, on ne s’étonnera pas d’apprendre que, lorsque ces chambres ont été consultées par l’administration sur les questions de l’abonnement et de la perception différentielle des tarifs, elles ont presque à l’unanimité repoussé ces deux combinaisons. Les conseils-généraux, dont la composition et le caractère sont des garanties certaines d’impartialité, ont spontanément émis des vœux dans le même sens pour une quinzaine de départemens. Il est regrettable que la rédaction de quelques-uns de ces vœux ne dénote point toujours une entente parfaite des difficultés qu’ils ont en vue. Parmi ces nombreuses doléances, le dixième à peine a trait à l’élévation des tarifs. Je sais bien qu’on ne doit point attendre que la maison soit brûlée pour lui porter secours en cas d’incendie; mais si le feu a pris quelque part, les cris d’alarme qui ont été jetés ont dû suffisamment attirer l’attention publique.

Il y a longtemps qu’un philosophe écossais a dit qu’une question