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Avant l’ouverture des hostilités, toutes les canonnières de première et de deuxième classe avaient été transformées en bâtimens de guerre ordinaires. Après leur retour de la Baltique et de la Mer-Noire, on leur avait enlevé leur masque en bois avec son blindage, composé de plaques en fer de 10 centimètres d’épaisseur ; la mâture avait été aussi augmentée. Cette opération avait été motivée par l’envoi probable de ces canonnières en Chine, en remplacement de celles qui y sont depuis plus de trois ans. Dans une aussi longue traversée, quoique les canonnières soient toujours remorquées ou convoyées, il pouvait arriver des circonstances de mer qui leur eussent fait perdre leurs remorqueurs ; l’on dut prévoir ce contre-temps et les rendre capables de naviguer seules avec le secours de leurs voiles et de leur machine. Aussi, dès leur arrivée à Toulon, on leur fit subir une nouvelle transformation en vue d’une mission nouvelle. Le niât de misaine fut augmenté, celui de beaupré enlevé et remplacé par un plus faible, l’avant fut coupé, et l’on y construisit un nouveau masque blindé, percé de deux sabords, pour mettre en batterie deux canons de 50. Ce travail, qu’on eut à faire lorsque déjà tous ces petits bâtimens étaient armés et prêts à partir, prit de la fin de mai jusqu’au milieu de juin.

Le 12, les quatre frégates à roues, remorquant les trois batteries flottantes, que le mode de construction et la faiblesse de la machine empêchent de naviguer seules, appareillèrent de Toulon. Les canonnières, par groupes de trois ou quatre, et les transports partirent du 12 au 18 juin, à la remorque des vaisseaux. Le rendez-vous général de l’escadre, passant par les bouches de Bonifacio et le détroit de Messine, était Antivari, rade foraine sur les côtes du Monténégro. Ce point de ralliement à l’entrée de la mer Adriatique était indispensable à toute cette flotte, qui marchait lentement et par petites fractions. Malgré la grosseur de la mer et les mouvemens de roulis qu’elle causait à tous les navires, on accosta les transports comme les canonnières le long des vaisseaux, et l’on remplaça le charbon consommé. Quatre jours furent employés à cette opération longue, difficile et dangereuse pour des bâtimens mouillés en pleine côte. Le 30 juin, à cinq heures du soir, l’amiral donna le signal du départ. L’escadre avec ses transports fut divisée encore en trois groupes, dont le dernier devait appareiller quinze heures après le départ du premier. Le second point de relâche était l’île de Lossini.

Personne n’ignore que la mer Adriatique est sujette à des coups de vent de nord-est qu’on appelle bora dans le pays, et dont la violence, proverbiale chez les marins, bouleverse tellement les eaux du golfe qu’un bâtiment, même au mouillage, peut sombrer sur ses ancres. Avec cet immense convoi, avec des bâtimens très petits