Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 22.djvu/518

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les réactions du pouvoir et les turbulences orageuses des partis. Il y a eu du despotisme et des séditions à Naples, il n’a manqué jusqu’ici que des citoyens, ou pour mieux dire il a manqué les conditions mêmes propres à former des citoyens. De là cette vie heurtée, violente, impénétrable, qui a été vraiment recueil de la diplomatie européenne, et dont le souverain qui vient de descendre au tombeau, le roi Ferdinand II, a été pendant trente ans le maître, le régulateur absolu en même temps que la personnification saillante et originale : prince singulier, tour à tour honni ou exalté, qui ne mérite pourtant ni l’apologie ni l’injure, mais dont le règne est l’expression vivante d’une des plus curieuses variétés d’autocratie, qui a été une sorte de tsar au midi de l’Europe, et que la fortune, par une coïncidence bizarre, enlève de la scène aujourd’hui, lorsqu’il n’eût plus été qu’une ombre dépaysée ou un obstacle au milieu des inévitables transformations Kè3a péninsule.

L’histoire de l’Italie tout entière a sans doute une secrète et invincible unité. Rien de ce qui se passe dans un pays ne peut être étranger aux autres pays, et cette intime solidarité est presque un fait contemporain. Ce n’est point la révolution française qui a créé les mouvemens italiens, mais elle en a déterminé le caractère, elle les a précipités, et tener ? r la puissance de cette révolution que même là où elle a été vaincue en apparence et par intervalles, elle a triomphé encore ; elle a survécu par les lois qu’elle a laissées après elle, par les sentimens qu’elle a fait naître, par les idées qu’elle a semées, par les regrets ou les espérances dont elle a été l’inépuisable source. Dans ce drame multiple et confus des destinées italiennes tel qu’il apparaît à l’issue de la révolution française, dans ce travail dont l’instinct d’indépendance et l’esprit de réforme civile sont restés les invariables et tout-puissans moteurs, tous les états ne marchent point cependant du même pas et n’ont pas la même attitude ; chacun d’eux a sa personnalité dans le drame. Un des phénomènes les plus curieux à observer comme un des traits généraux de cette obscure situation, c’est que, dans toutes ces revendications de nationalité qui remplissent l’histoire de la péninsule depuis plus d’un demi-siècle, Naples est toujours l’état le moins engagé, le moins animé de l’esprit italien en un certain sens, et c’est ce qui inspirait à un penseur énergique de Florence, à Francesco Forti, ce mot paradoxal que l’Italie finit au Garigliano. Ce n’est pas que le sentiment national soit absent de l’âme de cette race à l’imagination vive et soudaine, et que les Napolitains soient indifférens pour la patrie commune ; mais par sa position, par ses traditions, le royaume des Deux-Siciles semble moins fatalement appelé aux luttes d’indépendance.