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régularisé sous la main des jurisconsultes, et avait fini par être appliqué uniformément aux provinces. Un conseil municipal ou curie, deux magistrats principaux chargés de l’administration sous le nom de duumvirs, un édile chargé de la police et un curateur comptable des deniers de la ville et gérant du patrimoine commun, formaient le corps administratif d’une cité. Valentinien Ier ajouta aux anciennes magistratures municipales celle de défenseur, sur laquelle nous nous arrêterons quelques instans, parce que son importance grandit rapidement, et qu’à la fin du Ve siècle elle était devenue, par suite du malheur des temps, le pouvoir prépondérant dans la municipalité.

La loi romaine, par cette création du défenseur, avait voulu constituer, dans un temps où des nécessités déjà très fortes pesaient sur la société romaine, un protectorat de l’individu contre les abus de l’autorité, de quelque côté qu’ils vinssent, du pouvoir central ou de la ville elle-même. Les duumvirs et la curie, les gouverneurs et leurs officiaux eurent dès lors un surveillant attentif, et afin que son action ne fût ni embarrassée par des liens de corporation, ni affaiblie par des ménagemens de confraternité, la loi le voulut étranger à la curie. Le peuple, les notables, les curiales et l’évêque le nommèrent directement. Les fonctions du défenseur duraient cinq ans, pendant lesquels il ne pouvait se démettre sans l’agrément du prince, sous peine de trente livres d’or. Armé d’une juridiction directe, il remplissait, en dehors de sa compétence de juge, l’office de magistrat instructeur. Dans les cas de rapt, d’adultère, de violation de domicile, il faisait saisir le prévenu et le livrait au tribunal après une information sommaire. Chaque jour, à chaque heure, il avait libre accès près des fonctionnaires de tout ordre pour l’accomplissement de sa charge.

« La protection de ce peuple t’est confiée, afin que tu sois pour lui un vrai père, écrivaient au défenseur d’une des cités de l’empire les augustes Gratien, Valentinien II et Théodose. Tu ne souffriras donc point que les habitans de la ville, non plus que ceux de la campagne, soient injustement taxés ; tu t’opposeras aux excès des gouverneurs, sauf le respect dû à leur dignité. Leur porte te sera ouverte à toute réquisition, et tu veilleras à ce que l’insolence de leurs officiaux soit réprimée. Tu écarteras avec soin de ceux que ton devoir est de défendre comme des fils toute exaction ou rapine que des agens infidèles tenteraient d’exercer… » Un pouvoir si indéterminé, confié en quelque sorte à la conscience du magistrat, dut s’accroître, on le comprend aisément, soit par l’impuissance des autres, soit par leurs excès, et dégénérer en une dictature municipale.

Le peuple, ainsi qu’on vient de le dire, n’était pas exclu de toute