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et le bonheur des Romains, et marqués tous deux, à des degrés différens, par l’affaiblissement de l’empire et l’avilissement de l’empereur. Enfin il servit sous Népos.

Le nom de cet avant-dernier des césars ne réveille plus dans la postérité qu’un seul souvenir : il se nommait Julius, comme le premier de ces maîtres du monde. C’est à peu près tout ce qu’on sait de lui ; pourtant ce fut un homme juste et bon, plein d’intentions droites, qu’on lui dénia, et de vertus civiles, qui n’excitèrent que le mépris. Sa mauvaise étoile semblait aggraver encore les destinées de Rome, déjà si fatalement entraînée vers la ruine. Envoyé par l’empereur d’Orient avec une armée orientale pour délivrer l’Italie de la honteuse tyrannie de Gondebaud, il fut traité comme un usurpateur étranger, comme un lieutenant de Léon, chargé de la conquête de Rome au profit de Constantinople. Sa clémence envers Glycerius ne servit qu’à lui réserver un bourreau, sa condescendance respectueuse envers le sénat qu’à l’amoindrir et le livrer sans défense à la haine des sénateurs ; enfin tout tourna contre lui, jusqu’aux espérances que ses bonnes qualités avaient fait naître. Ces tristes spectacles, en dévoilant à tous les yeux les vices cachés de ce grand empire, sa faiblesse, et les passions qu’il fallait soulever pour le perdre, durent à la fois éveiller l’ambition d’Odoacre et lui enseigner la route à suivre pour parvenir à ce but.

L’avènement de Népos avait été l’occasion d’une prise d’armes de la part des Visigoths de Toulouse. Euric, leur roi, envahit le Limousin, le Berri et l’Auvergne ; mais l’héroïque résistance de Clermont, défendue par son évêque, Sidoine Apollinaire, et par le maître des milices, Ecdicius, beau-frère de l’évêque, força les Visigoths à la retraite. Ils allaient revenir au printemps de l’année 475, irrités de leur défaite et décidés à conquérir non-seulement l’Auvergne, mais la Gaule Narbonnaise. C’était une guerre dangereuse, qui mettait en péril, avec la dernière province romaine à l’ouest des Alpes, la dernière armée de l’empire d’Occident. Avant de l’entreprendre, Népos voulut consulter l’Italie ; il réunit les conseils provinciaux de la péninsule, leur demandant leur avis sur le parti qu’il fallait prendre. L’Italie émit le vœu qu’on négociât. Les conditions de la paix furent dures, et un traité solennel céda l’Auvergne aux Visigoths : à ce prix seulement, Népos sauva la Narbonnaise. Mais l’Auvergne ne se soumit point ; elle voulut rester Romaine en dépit de Rome, et le maître des milices, Ecdicius, se retranchant dans ses montagnes avec une troupe de patriotes dévoués, appela la Gaule entière aux armes. Népos se vit contraint de dépouiller de sa charge, comme rebelle, un homme qu’il admirait ; il en revêtit le Paunonien Oreste, alors patrice, et commandant en chef d’une