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s’attacher à profiter le plus possible de ses avantages naturels, et tourner tous ses efforts vers la production agricole, qui lui eût donné amplement de quoi se procurer par l’échange les objets que d’autres peuples pouvaient eux-mêmes produire à de moindres frais. C’eût été le moyen le plus simple et le moins onéreux de nous pourvoir de fer, de certains tissus, de houille et d’une foule de choses que nous sommes peut-être moins aptes que d’autres à nous procurer directement. Au lieu de suivre cette marche si naturelle, nos législateurs en ont pris le contre-pied, et, trouvant que la nature avait mal réparti ses dons, ils ont imaginé de vouloir réparer son oubli. Tous leurs efforts paraissent n’avoir eu d’autre but que de décourager l’agriculture et de la sacrifier à l’industrie. Établi dans l’intention de favoriser cette dernière, notre système douanier a, par l’appât de bénéfices exceptionnels, attiré vers elle les bras et les capitaux, et fait le vide dans les campagnes, désertées par les travailleurs et appauvries par la spéculation. L’agriculture s’est trouvée par là doublement lésée, car d’un côté les capitaux dont elle eût profité lui ont été enlevés par l’industrie, de l’autre la protection accordée aux produits industriels a empêché par contrecoup les produits agricoles de trouver un débouché sur les marchés étrangers. Grâce à ce mécanisme ingénieux, on est parvenu à tarir chez nous la source naturelle de nos richesses pour créer à grands frais d’autres engins de production qui n’ont pas encore osé affronter le grand air de la liberté, et pour comble d’inconséquence, en voyant l’usure dévorer nos campagnes dépeuplées et leurs habitans affluer vers les villes, on a la naïveté de s’étonner d’un résultat qu’on a tout fait pour provoquer, et auquel on cherche maintenant à remédier par des moyens artificiels de toute nature. Les forêts se sont vivement ressenties d’un état de choses si anormal, car la pénurie des capitaux, en entravant les progrès agricoles, a contribué, dans bien des départemens, à conserver, comme base de l’économie rurale, le régime pastoral, si contraire, comme nous l’avons vu, à la prospérité du sol forestier.

Les motifs qui doivent faire désirer soit le reboisement d’un terrain dénudé, soit le maintien d’une forêt en nature de bois, dépendent, comme nous l’avons dit, du double caractère que nous avons reconnu à la propriété forestière, et ne peuvent être que la conséquence ou de son action au point de vue climatologique, ou du revenu qu’elle peut procurer. De là résultent d’un côté la nécessité de conserver boisées les parties qui, dans cet état, doivent avoir sur le régime des eaux ou la salubrité une influence salutaire, de l’autre l’avantage, au point de vue pécuniaire, de consacrer à la culture forestière les terrains dont aucune autre ne pourrait tirer un parti plus avantageux. En ce qui concerne le premier point, on ne saurait