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été dans la première année, était en dernier lieu tombé à 4 ; les travaux des champs leur procuraient un bien-être toujours croissant, dont leur existence primitive ne pouvait même leur donner aucune idée.

Avec une organisation mieux entendue, les services que pourraient rendre les gardes forestiers s’étendraient bien au-delà d’une simple surveillance. Si en effet, ainsi que l’avait prescrit l’ordonnance réglementaire de 1827, on avait créé, comme en Allemagne, des écoles de gardes, au lieu de les recruter parmi les sous-officiers de l’armée, il eût été facile de joindre à l’enseignement professionnel les notions les plus essentielles de la science agricole et de leur faire connaître les méthodes pratiques de culture les plus convenables suivant les localités. Une fois dans le service, ils auraient appliqué ces principes aux terrains qu’on leur abandonne ordinairement pour leur usage, et auraient contribué par leur exemple à répandre dans les campagnes les procédés d’une culture plus avancée et à propager l’emploi d’instrumens perfectionnés.

La répression des délits dans les forêts tend cependant à devenir de jour en jour plus générale, à mesure que la civilisation fait des progrès et que les voies de communication se multiplient. Ce résultat eût toutefois été atteint beaucoup plus rapidement, si la loi elle-même ne paraissait avoir été faite sous l’impression de l’idée qu’à raison de leur croissance spontanée, les forêts sont en dehors du droit commun, et si elle n’avait pas craint d’imprimer au délit forestier le cachet de vol dont elle a caractérisé tous les autres attentats à la propriété. En étudiant en effet les différentes dispositions du code forestier, on s’aperçoit bientôt que les délits sont moins sévèrement punis quand ils sont commis dans les bois que dans toutes les autres propriétés. Non-seulement on n’indemnise en aucune façon le propriétaire d’une forêt, obligé, contre son gré et dans un intérêt général, de la conserver dans cet état, quand même il trouverait avantage à la défricher, mais on fait encore peser sur lui des charges exceptionnelles. Ainsi les forêts, comparativement aux terres arables situées dans les mêmes conditions, sont toujours plus lourdement imposées ; la partialité des répartiteurs à leur égard est telle que l’impôt s’élève souvent, pour elles à 40 pour 100 de leur revenu. Elles participent en outre à bien des charges communales dont elles n’ont aucun bénéfice à attendre[1]. Comme les autres propriétés,

  1. Ainsi jusqu’à présent le propriétaire de bois devait contribuer au traitement du garde champêtre, dont la surveillance dans les forêts était tout à fait nulle. Pour ne pas laisser à la merci du public les bois, il était tenu en outre d’avoir des gardes spéciaux payés par lui. Les délits constatés n’étaient jamais poursuivis s’il ne se constituait partie civile, et s’il ne garantissait à l’état les frais de poursuite. Une loi récemment votée par le corps législatif vient de modifier cette situation : les gendarmes et les gardes champêtres seront à l’avenir tenus de surveiller les forêts particulières, et les délits pourront être poursuivis d’office par le ministère public. Il est douteux toutefois que cette surveillance soit suffisante pour rendre inutile le service de gardes spéciaux.