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montante. N’est-ce pas aussi au déboisement des Cévennes, effectué sous le règne d’Auguste, que la vallée du Rhône doit d’être aujourd’hui exposée aux épouvantables rafales du mistral ? Ce vent, qui vient du nord-ouest, exerce de tels ravages que, dans l’origine, il fut regardé comme un fléau du ciel, et que la terreur des peuples lui dressa des autels et lui offrit des sacrifices. Dans une intéressante étude récemment publiée[1], M. Baude a montré comment des plantations effectuées dans les environs d’Anvers avaient pu, en corrigeant le régime atmosphérique, transformer en champs fertiles des sables jusque-là stériles : il y insiste sur la nécessité de suivre cet exemple dans le département de la Manche, aujourd’hui exposé aux coups de vent du nord-est, et où, suivant lui, l’extension du sol forestier est une condition indispensable de tout progrès agricole.

Dans certains cas aussi, les forêts ont sur la santé publique une influence des plus bienfaisantes. Quoique beaucoup moins général que le précédent, cet effet n’en est pas moins réel et constaté par de nombreux exemples. La Sologne, dont la stérilité et l’insalubrité sont aujourd’hui proverbiales, a été autrefois très boisée, et elle était alors un pays si prospère que François Lemaire, l’historien du duché d’Orléans, a pu dire : « Si la Beauce se trouve privée de tant de choses, la Sologne la récompense, car elle est abondante en prés, pâtis, bois de haute futaie, taillis, buissons, étangs, rivières, terres labourables portait blé, et méteil, et seigle[2]. » La dénudation d’un sol composé de sable pur ou d’argile compacte a stérilisé certaines parties et provoqué sur d’autres la formation des marais, cause première des fièvres endémiques qui désolent ce pays. Aussi le reboisement est-il considéré comme le principal remède à cette situation, et partout où il a été déjà effectué, il a produit les résultats les plus satisfaisans. On ne fera par là du reste que rendre à cette contrée son aspect primitif, car il résulte des documens historiques, aussi bien que des nombreux vestiges qu’on rencontre de toutes parts, que la région comprise entre Orléans, Bourges et Blois était autrefois couverte de vastes forêts, dont celles de Boulogne et de Chambord sont les restes imposans[3].

S’il est constaté que les massifs boisés contribuent à la conservation des sources, à la régularisation des cours d’eau, au maintien des terres sur les pentes ; s’ils fixent les sables mouvans, protègent

  1. Voyez la Revue du 15 janvier dernier, les Côtes de la Manche, par M. J.-J. Baude.
  2. Histoire des Antiquités de la ville et du duché d’Orléans, par François Lemaire, p. 27.
  3. Voyez au sujet de cette intéressante question le rapport sur la plantation forestière de la Sologne adressé au ministre de l’agriculture et du commerce par M. Brongniart à la suite d’une mission dont il a été chargé en 1850. Annales forestières, 1852.