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la pierre siliceuse appelée tripoli, qu’on emploie sous forme de poudre pour polir les métaux, reconnut qu’elle est entièrement composée de squelettes ou carapaces d’infusoires unis ensemble sans aucun ciment visible. La petitesse de ces enveloppes est telle que chaque pouce cube de tripoli en renferme environ 4l millions, et cependant on trouve en certains lieux, par exemple à Bilin, en Bohême, des couches de tripoli de plus de 4 mètres d’épaisseur. Cela peut donner une idée du nombre incroyable d’existences qui ont eu pour effet d’accroître l’écorce de notre globe. Le soldat qui nettoie son casque à l’aide du tripoli met donc en poudre à chaque frottement 10 ou 12 millions de fossiles.

Les foraminifères, sorte d’animaux radiaires, qui ont encore de nombreux représentans microscopiques répandus dans les mers, se sont jadis produits par myriades et ont servi de ciment à la consolidation d’un certain nombre de couches terrestres. D’immenses amas de pierres calcaires, qui donnent naissance à des collines et même à des montagnes, ne sont que les dépouilles accumulées d’un genre particulier de foraminifères, les mummulites, dont quelques-uns rappellent pour la figure et les dimensions de véritables lentilles. Dans la Mer du Sud, des îles entières sont formées par des agrégations de polypiers. La craie blanche, qui occupe sur notre planète de si prodigieuses étendues, et qui constitue l’une des roches prédominantes de l’écorce du globe, est due en grande partie à la décomposition des testacés, des oursins et des coraux. On sait que les houilles, qui forment dans les deux mondes de si vastes et parfois de si profonds bassins, sont des accumulations de végétaux carbonisés analogues à nos tourbes. L’œil distingue encore les formes des tiges et des feuilles dans ces dépôts, qui ont exigé des milliers d’années. Les lignites ont pris naissance de la même façon.

C’est donc un immense détritus animal qui a doté la terre d’une grande partie du carbonate de chaux dont elle abonde. En explorant la mer près des formations madréporiques, les navigateurs ont reconnu l’existence de polypiers pierreux, même à de grandes profondeurs. La forte pression de la masse d’eau qui est au-dessus, la basse température de ces fonds, le défaut de lumière et de nourriture, s’opposent à ce que ces animaux rayonnés aient jamais pu vivre à de pareilles profondeurs. Ce n’est donc pas là qu’ils se sont formés ; ils y sont descendus par un abaissement graduel et insensible du terrain sur lequel ils reposaient. Le lit des mers s’est épaissi par le travail des animaux dont les débris ont accru la masse terrestre.

Parlerai-je des fossiles de toute sorte qu’on rencontre aux divers étages du sol ? Ils entrent pour une forte proportion dans la densité de la masse qui les englobe ; ils ont fourni, par leurs élémens décomposés, une partie de la matière minérale qui les entoure et les