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et de Mazarin avait adouci et apaisé le sentiment protestant, nous avons peine à comprendre que l’Angleterre ait pu fonder aucune grande espérance sur les dispositions des calvinistes français, et nous inclinons trop à croire qu’elle n’a pas pris fort au sérieux les négociations commencées par Cugnac et Barrière, et poursuivies par les députés de la ville de Bordeaux. On a même prétendu que Cromwell s’était constamment joué de Condé et de ses agens. Cette opinion, assez naturelle aujourd’hui, est dans le passé sans fondement, et elle est entièrement démentie par les faits. L’Angleterre, qui de notre temps même ne connaît pas très bien la France, l’ignorait tout à fait au XVIIe siècle. Sous le gouvernement du long parlement, la passion calviniste et républicaine était plus écoutée à Londres que la politique, et Cromwell lui-même ne vit clair qu’assez tard dans les forces respectives des protestans et des catholiques, de Condé et de Mazarin, de la fronde et de la royauté. Il est indubitable qu’en 1651, 1652 et 1653, tant que l’Angleterre craignit que la France ne prît en main la cause des Stuarts, elle chercha par tous les moyens à occuper chez elle sa redoutable voisine. C’était pour elle, après tout, un avantage immense de se faire un bon établissement dans la Gironde ou sur les côtes de Saintonge. De là les secours effectifs de régimens irlandais envoyés à Bordeaux en 1652 ; Cromwell ménageait alors si peu le gouvernement français qu’il se permit à son égard un des attentats les plus inouis dont fasse mention l’histoire moderne. Lorsqu’au mois de septembre de cette même année, le grand-amiral de France, le duc de Vendôme, sortit de Brest pour aller par mer secourir Dunkerque, assiégée par une armée espagnole et défendue par le comte d’Estrades, Cromwell envoya une flotte anglaise, sous le commandement de l’amiral Blake, barrer le chemin à la flotte française, et même la faire prisonnière au mépris du droit des gens et sans qu’il y eût aucune hostilité déclarée. En vain le duc de Vendôme s’éleva avec force contre une