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Mazerolles en Angleterre pour hâter le secours qu’on destinait à la Guienne et obtenir immédiatement, en y mettant le prix nécessaire, huit frégates armées et équipées, dont la moindre était de vingt-quatre pièces de canon.

Ainsi allait se renouveler à Bordeaux l’insurrection de La Rochelle en 1627 et 1628. Là aussi, la religion n’avait été qu’un prétexte et un masque à l’ambition de l’aristocratie : la maison de Condé s’appelait alors la maison de Rohan. En 1627, les protestans n’étaient pas plus persécutés en Saintonge qu’ils ne l’étaient dans le midi en 1652. Jamais on ne leur avait contesté le libre exercice de leur religion ; la seule chose que Richelieu ne voulait ni ne devait supporter, c’est que La Rochelle, avec les îles de Ré et d’Oleron, jouît d’une indépendance incompatible avec la légitime autorité de l’état, et qu’il y eût sur les côtes de France une forteresse, un port, une flotte où le roi ne commandait pas. Mais en revanche les Rohan y dominaient, et au premier grief qu’il leur plaisait d’élever, ils invoquaient la protection de l’Angleterre, sans se faire faute, au besoin, de recourir à celle de l’Espagne. Ils avaient sous eux un maire fanatique, et quelques ministres, pleins de leur importance et brûlant de jouer un rôle, qui soulevaient le peuple par leurs déclamations et lui imposaient les plus durs sacrifices, en abusant de son ignorance. Les Rohan aussi bégayèrent le nom de république pour se soutenir contre le roi, et la catholique Espagne, comme la calviniste Angleterre, unies dans le même intérêt, l’abaissement de la France, auraient fort volontiers reconnu une république calviniste à La Rochelle, pour que la France fût diminuée de cette grande cité et de sa forte marine. Et c’était le vainqueur, de Rocroi et de Lens, celui qui avait sauvé la monarchie en 1648 et 1649, qui allait reprendre à Bordeaux le rôle honteux et usé de Soubise, recommencer une entreprise qui, vingt ans auparavant, avait échoué devant la fermeté de Richelieu, et qui n’avait plus la moindre chance de succès depuis qu’un gouvernement équitable avait assoupi les haines religieuses, et en protégeant les populations protestantes ôté sur elles toute prise aux ambitieux projets de quelques chefs mécontens ! Condé en avait fait l’expérience dans cette guerre de Guienne. C’étaient les habitans mêmes de La Rochelle, les descendans de Guiton et des anciens et ardens défenseurs de la foi protestante, qui avaient ouvert les portes de la ville au général de l’armée royale. En gagnant le vieux maréchal de La Force, Condé avait pu croire qu’il acquérait en sa personne tous les protestans du midi ; mais d’abord l’influence de l’illustre maison était bien diminuée, puis à la mort du vieux maréchal Mazarin s’empressa de traiter avec son fils, et lui offrit le bâton de son père, pour bien établir qu’il ne s’agissait