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du 4 juillet 1652 à Paris[1]. On s’efforce de remuer les passions des protestans, on fait appel à la calviniste Angleterre comme à la catholique Espagne, on lève des troupes en Irlande et on mendie l’alliance de Cromwell, on descend jusqu’à flatter le fantôme de la république. Tout échoue, grâce à Dieu ; l’étoile de la France et de la royauté l’emporte. Condé est vaincu une seconde et dernière fois, et sa sœur, abandonnée par toute espérance humaine, ne trouve d’asile qu’au pied de la croix.


I

Revenons sur nos pas, et reconnaissons dans quel état Condé avait mis et laissé en Guienne les affaires de la fronde, afin de bien comprendre ce qu’après lui elles pouvaient devenir.

Condé était parti de Bourges le 16 septembre 1651 pour aller prendre possession du nouveau gouvernement contre lequel il venait d’échanger la Bourgogne en retenant le Berri. Passant auprès de Jarnac, il voulut voir la place où, près d’un siècle auparavant, le 13 mars 1569, avait trouvé la mort le premier prince de son nom, Louis de Bourbon, engagé dans une entreprise fort semblable à celle qu’il allait tenter. Pendant qu’il parcourait à cheval ce funeste champ de bataille, son épée, s’échappant de son baudrier, tomba par terre[2]. Sans s’arrêter à ce mauvais présage, Condé poursuivit sa route, et arriva à Bordeaux le 22 septembre. Il y fut reçu avec d’unanimes transports de joie. C’était lui qui naguère, en 1648 et 1649, tout-puissant auprès de la reine et de Mazarin, avait défendu la cause de la Guienne dans ses démêlés avec son impérieux gouverneur, le duc d’Épernon : de là sa popularité dans toute la province, l’indignation qu’y avait excitée son emprisonnement inattendu, et l’énergique prise d’armes de 1650. Cette première chaleur n’était point éteinte, et elle se réveilla avec force lorsqu’il fut nommé gouverneur de Guienne, et qu’il vint demander asile à Bordeaux, lui et toute sa famille, sa femme Claire-Clémence de Maillé-Brézé, son fils le duc d’Enghien, sa sœur Mme de Longueville, et ses deux amis le duc de Nemours et le duc de La. Rochefoucauld, qu’accompagnait son fils, le jeune Marsiliac. Ses malheurs et sa gloire lui donnaient tous les cœurs, et il ne rencontra partout qu’enthousiasme et dévouement. Le parlement adressa au roi une longue remontrance[3] sur le mal qu’on faisait à la monarchie

  1. Voyez la Revue du 1er mars 1859, p. 206.
  2. Priolo, de Rébus Gallicis, lib. VI, p. 63 et 64 de l’édition in-4o de 1665.
  3. Cette remontrance est dans l’Histoire de la ville de Bordeaux, par dom Devienne, Bordeaux, in-4o, 1771, p. 439.