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une obstination héroïque ; ils disputèrent pendant une heure le passage de la Fossa-Gazza aux colonnes ennemies. La cavalerie piémontaise retarda autant qu’elle put la marche des Autrichiens vers le ruisseau : elle chargea à plusieurs reprises la cavalerie, l’artillerie et l’infanterie ennemies ; mais à chaque charge les rangs s’éclaircissaient, et il fallut repasser la Fozza-Gazza. Le capitaine Piola, tentant alors un suprême effort, essaya de tourner une batterie autrichienne en remontant le ruisseau. L’escadron sarde réussit en effet à passer sur l’autre bord sans être aperçu et à sabrer pendant quelques instans l’artillerie ; mais, bientôt enveloppé par un régiment ennemi, il dut songer à la retraite. Un jeune lieutenant, rejeton d’une grande famille génoise, le comte Scassi, sauva dans cette circonstance la vie du capitaine Piola en se faisant tuer lui-même. L’escadron, parti avec quatre-vingts hommes, ne revint au régiment qu’avec quarante-six cavaliers montés. On raconte qu’en ce moment le colonel de Sonnaz, n’osant pas assumer une responsabilité plus terrible, avoua en peu de mots à ses soldats que, si les Français n’étaient pas arrivés avant un quart d’heure, la brigade serait taillée en pièces. Il n’avait pas achevé qu’un seul cri : Vive le roi ! mourons à notre poste ! lui répondit, et ces braves, refoulés sur l’autre rive de la Fozza-Gazza, se préparèrent à tenir leur parole. Ce fut dans cette lutte désespérée que le colonel Morelli fut blessé à mort d’un coup de sabre-baïonnette par un Tyrolien au moment où, entraîné par la chute de son cheval, il cherchait à se dégager. Cependant la cavalerie sarde était débordée sur sa droite par une nuée de tirailleurs qui commençaient à garnir les hauteurs de Monte-bello. L’infanterie autrichienne suivit bientôt ses tirailleurs et se barricada à la hâte dans le village, dans le cimetière, et surtout à Genestrello. Les préparatifs de défense de l’ennemi étaient à peine achevés et la cavalerie sarde allait succomber, lorsqu’arriva le 17e bataillon de chasseurs de Vincennes. Alors commença le second combat, le combat français, que le rapport du général Forey nous a raconté avec une digne simplicité. Le choc décisif eut lieu à Genestrello ; c’est là que nous fîmes nos pertes les plus douloureuses. Maîtres de ce poste dominant, d’où ils auraient pu écraser de leurs feux les ennemis barricadés dans Montebello, nos soldats, car c’est un combat de soldats que nous livrions, coururent à l’assaut du village et l’emportèrent après une résistance opiniâtre des Autrichiens, qui tinrent deux heures. Il ne restait plus à l’ennemi que le cimetière, où deux cents hommes s’étaient enfermés et furent tués ou pris. Les restes des corps autrichiens se retiraient sur Casteggio. Notre artillerie cribla de boulets leurs colonnes en retraite, qui soutinrent courageusement le feu. Nous n’avons pas besoin de faire l’éloge de nos soldats : leur esprit, leur élan, leur vigueur, sont connus, et l’état-major autrichien, suivant des correspondances étrangères, est le premier à reconnaître qu’ils se sont splendidement battus ; mais nous croyons devoir insister particulièrement sur les services qui nous ont été rendus dans cette journée par l’admirable résistance de la cavalerie sarde, qui a supporté à elle seule pendant un temps bien long, si on le mesure au péril de sa position, l’effort d’un ennemi si supérieur, et qui, en l’arrêtant, ne lui a pas permis de s’établir plus fortement à Montebello. Quelques officiers piémontais au premier moment, ne jugeant l’affaire du 20 mai que par les pertes cruelles qu’elle avait infligées à leur cavalerie, ont cru qu’au lieu d’accepter un com-