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mélange de races diverses qui ont besoin en quelque sorte d’un médiateur, et c’est ce qui fait la force en même temps que la raison d’être de la puissance autrichienne. Rien de semblable n’existe en Italie. La seule population étrangère est celle des fonctionnaires et de l’armée, une population toujours considérée comme ennemie. L’Autriche a essayé de régner en Lombardie comme en Galicie par la division des classes, elle a opposé le peuple des campagnes à l’aristocratie et à la bourgeoisie ; mais comme en même temps elle ne pouvait délivrer les habitans des campagnes de la conscription et de l’impôt, elle n’a pas réussi, et elle a fini par unir toutes les classes dans un même mécontentement. La différence est si grande entre les possessions italiennes de l’Autriche et ses autres provinces, qu’il peut y avoir des mesures favorables en certaines parties de l’empire, onéreuses à Milan et à Venise. La loi nouvelle de conscription était un allégement en Bohême, dans la Galicie, dans la Croatie ; elle était une aggravation dans le royaume lombard-vénitien. La transformation de la monnaie était évidemment un acte de bonne administration, et elle allait retomber lourdement sur les populations italiennes soumises à l’Autriche. Or, dans une telle situation qu’une expérience décisive a mise en tout son jour, ce principe de nationalité invoqué par l’Italie ou pour elle n’a rien de révolutionnaire.

Ainsi dégagée de toutes les solidarités compromettantes, la question italienne devient, nous ne dirons pas certes facile à résoudre, mais simple et même pratique. Elle n’a plus du moins contre elle toutes les forces morales et conservatrices qui gouvernent le monde. Parce que l’Italie sera indépendante, M. Mazzini ne sera pas au Capitule, et Garibaldi restera un vigoureux soldat. Et si la question italienne, fermement et sagement conduite, ne menace pas l’ordre intérieur des sociétés, sous quel jour apparaît-elle dans ses rapports avec l’ensemble de la situation de l’Europe ? Au premier coup d’œil, on voit, il nous semble, se dégager quelques traits essentiels.

C’est d’abord l’Angleterre attendant dans cette position de neutralité armée qu’elle a prise au lendemain de l’ouverture des hostilités. Cette neutralité signifie évidemment que l’Angleterre est prête à intervenir et à peser de tout le poids de sa puissance le jour où la guerre tendrait à se déplacer et à s’agrandir, au moment surtout où la paix redeviendrait possible ; mais en même temps elle cache peut-être des sentimens de diverse nature que nous voudrions dire. Au fond, l’Angleterre, on n’en peut douter, a dans l’âme une réelle sympathie pour la cause italienne. Ses poètes ont plus d’une fois chanté les malheurs de la péninsule ; ses orateurs, ses hommes d’état ont encouragé les espérances libérales de l’Italie. L’Angleterre, il est vrai, s’est toujours arrangée pour concilier ses sympathies