Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 21.djvu/661

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

veux. Les soldats qui remplissaient l’office de geôlier le conduisirent dans le cachot commun où tous les condamnés à mort attendaient l’heure de l’exécution. M. Stella y trouva ses fils; il tendit vers eux ses bras tremblans, et d’une voix sourde, à demi étouffee par l’émotion : — Me pardonnez-vous? leur dit-il.

— Ne prononcez pas de telles paroles, père, répondit l’aîné, tandis que ses frères et lui s’agenouillaient autour du vieillard; vous n’avez dit que la vérité, et le mensonge n’était pas fait pour vous. Que Dieu vous bénisse, père! Et bénissez-nous...

Les prisonniers qui attendaient l’exécution de leur sentence avec M. Stella et ses fils furent bientôt emmenés un à un. Chaque fois que la porte du cachot s’ouvrait, la famille résignée se préparait au départ, et son tour semblait ne devoir jamais venir. Ce retard leur causait à tous une sorte d’impatience, car les heures qui précèdent pour le condamné à mort le moment suprême sont assurément les plus terribles que la nature humaine soit exposée à subir. Le fermier et ses fils passèrent ainsi un jour et une nuit, pendant lesquels les signes de la décrépitude se déclarèrent brusquement chez le robuste vieillard, et même chez le jeune Orazio, dont la brune chevelure devint entièrement blanche. Enfin, lorsque ces malheureux commençaient à sentir la défaillance qui naît d’un supplice, soit moral, soit physique, trop prolongé, la porte du cachot s’ouvrit encore une fois, et le maître du fermier, le comte F., s’approcha des condamnés.

— Vous m’avez donné bien du mal, Michel! dit-il au vieillard, et je vous conseille de ne pas recommencer, car je ne réussirais probablement pas une seconde fois. Je suis enfin parvenu à convaincre son excellence que vous ne connaissiez pas la loi sur les proscrits, et j’y serais parvenu plus facilement, si vous n’aviez point, à ce qu’il semble, commis la sottise de déclarer que vous la connaissiez. On a bien voulu admettre, conformément à mes observations, que la peur vous avait brouillé les idées, et que vous n’aviez compris ni la demande qui vous avait été adressée, ni la réponse que vous aviez faite. Je ne suis pas sans quelque influence, voyez-vous, auprès de ces messieurs; ils m’ont bien quelques obligations, et ils s’en sont souvenus, de telle sorte que vous voilà tous en liberté... Mais d’abord signez ceci : c’est un aveu de vos torts et l’expression de votre reconnaissance pour la grâce que la clémence infinie de notre souverain a daigné vous faire.

Le fermier et ses fils signèrent, sans même le lire, l’acte que le comte F. Leur présentait. Le vieillard essaya de remercier son maître pour l’intérêt qu’il lui avait témoigné; mais il ne put prononcer un seul mot, et ce fut Pietro qui remplit ce devoir au nom de toute la famille. — C’est bien, c’est bien, dit le comte F.; vous êtes de