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autres peuples, comme se rapprochant davantage des mesures usitées dans le reste de l’Europe.

Les intentions de la société, que partageait dès lors le gouvernement, furent secondées par une déclaration du roi en date du 16 mai 1766, laquelle ordonne qu’il sera envoyé dans les principales villes du royaume des étalons matrices de la livre poids de marc, de la toise de six pieds de roi et de l’aune de Paris avec leurs divisions. En agissant ainsi, Louis XV renouvelait les édits de ses prédécesseurs, et en particulier de François Ier et de Henri II, qui avaient ordonné la réduction des poids et mesures en vigueur dans le royaume à un seul type appelé poids et mesures du roi. Ce projet remontait plus haut encore, puisqu’on trouve des tentatives faites dans le même sens au XIVe siècle par Philippe le Long et Charles le Bel. Jusque dans une capitulaire de Charlemagne de 789, on lit ces mots, qui devancent de mille ans le fait accompli : AEquales mensuras et certas et pondera justa et œqualia omnes habeant.

Après 1771, cette activité cesse tout à coup. La société se borne pendant vingt ans à décerner quelques prix sur des sujets d’agriculture et à rédiger sur des questions pratiques des mémoires en forme d’instructions que l’intendant se chargeait de distribuer aux cultivateurs de la généralité. Probablement les malheurs qui assaillirent le marquis de Turbilly furent pour beaucoup dans cette longue interruption.


II

Cependant Louis XVI était monté sur le trône, et l’admirable mouvement d’esprit qui a marqué la fin du XVIIIe siècle venait de commencer. Deux grands ministres, Turgot et Malesherbes, avaient donné le signal de toutes les réformes. Une sorte de passion du bien public s’emparait des hommes les mieux placés. L’intendant de la généralité de Paris, Berthier de Sauvigny, le même qui fut plus tard une des premières victimes de la révolution, s’occupait avec une ardente activité de tout ce qui pouvait servir les intérêts généraux. Sous ses auspices, la société prit un grand développement. En 1785, la plupart des fondateurs étaient morts, mais des noms nouveaux et bien autrement éclatans les remplaçaient : le duc de Charost, le duc de La Rochefoucauld, le duc de Liancourt, le duc d’Ayen, le duc de Croy, Malesherbes, Lavoisier, Fourcroy, Daubenton, Parmentier, Vicq d’Azyr, Thouin, Monthyon, Dupont de Nemours, des ministres, des conseillers d’état, dix-sept membres de l’Académie des Sciences, la plus belle réunion d’hommes que la France eût vue depuis longtemps.