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LA CICOULANE
scènes de la vie des landes.

I.

Sur les confins de l’Armagnac et du département des Landes, entre Villeneuve et Nogaro, sur le territoire de Sainte-Quitterie, il n’y avait pas en 1825 de métairie mieux tenue que celle de Jean Cassagne. Le métayer était connu dans tout le pays par sa bonne humeur et par sa probité. Il montrait avec orgueil la cédule du cheptel qui avait été confié à son arrière-grand-père en 1612, lorsque ce dernier avait pris possession de la métairie, ce qui prouvait que dans cette famille depuis deux cents ans, de père en fils, ils avaient travaillé pour le même maître, et qu’ils n’avaient jamais démérité. Jean Cassagne suivait assidûment les foires et les marchés, et quand on le voyait entrer dans un cercle, on était sûr d’entendre bientôt de bruyans éclats de rire, car il avait le don d’égayer en quelques minutes les caractères les plus revêches. Aussi pourquoi n’eût-il pas été gai ? Sa situation était excellente. La métairie qu’il tenait à ferme, et qui se nommait la Grande-Borde, occupait trois paires de bœufs. Elle était située en belle position, sur un coteau dominant une vallée. Ses champs étaient bons pour le maïs et pour le blé ; ses vignes produisaient une eau-de-vie renommée que recherchaient les négocians de Mont-de-Marsan. Le propriétaire de la Borde n’habitait pas le pays et ne surveillait nullement le métayer. Jean Cassagne était fort et bien portant ; il avait une femme paisible qui s’occupait presque uniquement de soigner les enfans, ce qui n’é-