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de 500 millions, dont la souscription s’achève en ce moment. Il faut considérer ensuite ce qui se passe en Italie et ce que font les Italiens pour leur propre cause ; il faut étudier enfin de quelle façon se dessinent les dispositions des grandes puissances neutres.

La campagne s’ouvre sous d’heureux auspices pour les nôtres. L’on avait pu craindre, lorsque l’Autriche a envoyé au Piémont son fatal ultimatum, que les opérations de l’armée autrichienne massée à Pavie ne suivissent promptement le défi diplomatique, et que nos troupes ne pussent arriver assez tôt pour sauver le Piémont d’un désastre. Il y avait lieu aussi d’appréhender que l’armée autrichienne ne prit ses positions de façon à empêcher ou à contrarier sérieusement la jonction de celles de nos troupes qui arrivaient par Suze avec celles qui débarquaient par Gènes. On redoutait que l’Autriche n’eût pris l’initiative de l’agression diplomatique pour prendre à son profit l’initiative d’une vigoureuse agression militaire. Heureusement, que nous en soyons redevables aux derniers tâtonnemens de la cour de Vienne, ou à la proverbiale lenteur des armées autrichiennes, ou aux accidens de la saison, ces craintes ne se sont point réalisées. L’armée autrichienne est demeurée dans la plaine bordée presque parallèlement par le Tessin et la Sesia et fermée au midi par le Pô. Elle a feint ou essayé de manœuvrer sur la rive droite du Pô, elle a fait quelques pointes au-delà de la Sesia ; mais elle a repassé cette rivière, et, se contentant du profit peu glorieux de vivre quelques Jours aux dépens de l’ennemi, elle semble attendre dans une attitude défensive l’attaque de notre armée. Quant à nos troupes, massées vers Alexandrie, l’empereur étant arrivé, elles ne tarderont pas à prendre l’offensive. On dit que le plan des opérations de l’armée française sera décidé le 15 dans un conseil de guerre. Que ne pourront faire nos généraux avec une si magnifique armée ! Nous ne tomberons point dans le ridicule de tracer des plans de campagne hypothétiques. Nous ne croyons point cependant qu’il soit téméraire de penser que les Autrichiens se replieront bientôt vers la Lombardie. À en juger par ce qu’ils nous laissent voir de la circonspection de leur tactique, il ne semble point probable qu’ils acceptent une bataille décisive sur le territoire piémontais. Il serait également peu prudent à eux de livrer une pareille bataille entre le Tessin et Milan. Une défaite à une si longue distance de leurs forteresses du Mincio et de l’Adige entraînerait peut-être la destruction de leur armée. Il est donc vraisemblable qu’ils se retireront devant nous en combattant, mais en éludant les batailles décisives, jusqu’à leur fameux quadrilatère de Peschiera, Mantoue, Vérone et Legnago, et c’est là que se déciderait le sort de la guerre ; mais dans ce cas notre armée serait entrée à Milan, et les populations lombardes auraient pu se lever pour leur propre cause, et prouver au monde, par l’unanimité de leurs manifestations, leurs titres à l’indépendance.

Nous ne voulons nous dissimuler ni les difficultés que nos soldats auront à surmonter, ni la valeur des ennemis qu’ils auront à combattre ; mais, nous le répétons, nous attendons tout d’une telle armée. Cette armée sera d’ailleurs soutenue par les ressources de la France. C’est ici surtout que l’infériorité de l’Autriche est manifeste. Que l’on compare la banque de Vienne,