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s’attendaient pas à tant d’héroïsme et de persévérance dans des jeunes gens accoutumés à l’oisiveté, à la vie molle des villes ou à la paisible activité des champs; mais les batailles ne forment que de courts et glorieux épisodes de l’existence du soldat, et les volontaires avaient assez de loisirs pour se communiquer leurs griefs et leurs soupçons.

Ces soupçons étaient-ils fondés? Tous ne l’étaient pas assurément. Quoi qu’il en soit, les faits semblèrent les confirmer. On n’avait jamais annoncé aux volontaires que des victoires remportées par les troupes italiennes sur les Autrichiens. On avait abandonné plusieurs points d’attaque et négligé plusieurs moyens de défense, parce que, l’ennemi étant aux trois quarts défait, tant de précaution semblait superflu. La capitulation de Mantoue et l’évacuation de Vérone par le vieux maréchal Radetzky étaient des événemens annoncés chaque jour comme imminens et inévitables. Ces beaux rêves furent suivis d’un réveil aussi soudain que terrible. Au milieu des réjouissances que l’on célébrait dans le camp des volontaires à l’occasion d’une prétendue victoire, arriva un courrier porteur d’étranges nouvelles. La bataille si heureusement commencée avait fini par une déroute, et les troupes autrichiennes avaient passé l’Adda à la suite des troupes italiennes en pleine retraite. L’ordre était donné de rassembler tous les corps de l’armée sous les murs de Milan, où se livrerait probablement une bataille décisive. L’espoir de cette bataille arrêta les murmures près d’éclater dans les rangs des volontaires. — Nous allons enfin nous mesurer face à face avec l’ennemi, se disaient-ils les uns aux autres en se serrant la main. C’est à Milan qu’il a senti d’abord la force de nos bras, c’est à Milan qu’il vient recevoir le coup fatal et décisif. Le lieu est de bon augure, et nous acceptons de grand cœur le rendez-vous. A Milan! à Milan! criait-on de toutes parts. — Et au son des chansons guerrières cette jeunesse ardente se préparait au combat.

Paolo éprouvait le contre-coup de cet enthousiasme; mais pour lui, hélas! tout espoir de prochains faits d’armes était perdu. Blessé dans une escarmouche quelques jours auparavant, il gisait à l’ambulance, souffrant de sa blessure et des tristes pressentimens que la fièvre lui inspirait. Il se ranima pourtant en voyant tous ces apprêts, et malgré son épaule à demi fracassée il voulut marcher avec ses camarades, ne consentant à profiter du petit nombre de charrettes attachées à l’ambulance qu’à de rares intervalles, et lorsque ses forces trahissaient complètement son bon vouloir. Ils arrivèrent ainsi jusqu’aux environs de Lodi, où d’affreuses nouvelles les attendaient. Les troupes piémontaises avaient continué leur retraite, toujours poursuivies par l’ennemi, jusque sous les murs de Milan, qui