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scientifiques, que la chimie constate et que les hommes spéciaux ont seuls intérêt à recueillir; il faut aussi laisser de côté les différences d’un autre ordre qui tiennent à la structure, à la conformation extérieure, et reposent sur des considérations d’un caractère purement commercial : elles sont du domaine des écrits techniques. On trouve des indications de ce dernier genre présentées sous une forme curieuse dans un ouvrage publié au XVIe siècle, assez rare aujourd’hui, et intitulé le Parfait Joaillier ou Histoire des Pierreries. L’auteur, Boëce de Boot, qui était médecin de l’empereur Rodolphe II, le protecteur bien connu de Tycho-Brahé et de Kepler, a payé tribut à l’esprit de son temps, où l’on n’avait pas encore répudié toute croyance à l’alchimie, à l’astrologie et aux sciences occultes, et il a fait une place dans son livre à l’étude de ce qu’il appelle les facultés médicinales et propriétés curieuses des pierreries. Par rapport au point qui nous occupe en ce moment, c’est-à-dire aux caractères qui peuvent servir de base à une classification des pierres précieuses, Boëce a fait choix des signes les moins propres à parler à l’esprit, à laisser trace dans la mémoire. Ainsi il classe les pierres suivant qu’elles sont rares ou communes, belles ou difformes, diaphanes ou opaques, etc. Une division beaucoup plus simple, beaucoup plus claire que toutes les divisions technologiques, et à laquelle il convient que l’homme du monde se tienne, c’est celle qui est fondée sur la couleur, c’est-à-dire sur la propriété dont nos sens sont le plus frappés. Un praticien de Septmoncel l’avait adoptée dans un petit livre bien moins ancien que celui de Boëce, puisqu’il ne remonte qu’à une quinzaine d’années, bien plus connu aussi des ouvriers lapidaires[1]. Cette division nous paraît la meilleure pour donner une idée des variétés du travail dans le Jura.

En suivant cette méthode de classement, on ne distingue pas moins de onze genres de pierres. La première place appartient au genre des pierres incolores, qui, sans parler du diamant que l’ouvrier septmoncelois ne traite pas, comprend le saphir blanc, la topaze blanche du Brésil et toutes les variétés du cristal de roche. Vient ensuite le genre des pierres rouges renfermant les nombreuses espèces de rubis, qui sont les pierres fines les plus dures après le diamant,

  1. Guide du Joaillier et du Bijoutier concernant les pierres précieuses et fines, avec le moyen de les reconnaître et de les évaluer, par M. Chevassus. Cet écrit contient, sur une matière qui a été peu étudiée en vue des gens du monde, des indications intéressantes, quoique trop sommaires. — Il n’avait été, à notre connaissance, rien publié en ce genre depuis l’année 1769, où parut à Paris, sous l’anonyme, un Traité abrégé des Pierres fines qui s’adressait particulièrement, disait l’auteur, aux personnes de qualité et surtout aux jeunes seigneurs, afin de les mettre en garde contre les tromperies du commerce. On a publié tout récemment un ouvrage plus étendu intitulé Traité des Pierres précieuses, par M. Charles Barbot, ancien joaillier.