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qui touchent à l’ordre moral et politique ne préoccupent pas autant les esprits dans cette ville maritime, dont le commerce dépassera bientôt celui des villes les plus florissantes de l’Angleterre elle-même, les préoccupations matérielles sont loin d’y avoir étouffe tous les sentimens généreux. Les premières écoles publiques de New-York furent, à l’origine, des institutions charitables : elles furent établies en 1802 par des femmes appartenant à la secte des quakers, qui se firent volontairement institutrices pour élever les enfans les plus pauvres et les plus dénués. Ces écoles furent bientôt après placées sous le patronage de la commune : aujourd’hui la moitié au moins des enfans de la populeuse cité y reçoit l’éducation.

C’est dans les écoles de New-York que fut appliqué d’abord un principe, admis aujourd’hui dans toutes les écoles publiques de l’Union ; je veux parler de la séparation absolue de l’enseignement primaire et de l’éducation religieuse. « Aucune école, lit-on dans l’acte du 3 juin 1851 relatif à ces écoles, ne pourra prétendre à recevoir une partie des fonds consacrés aux écoles, si l’on y enseigne, inculque ou pratique les doctrines ou formes d’une secte chrétienne particulière ou de toute autre secte religieuse. » Il y a un nombre immense d’établissemens privés où les parens peuvent envoyer leurs enfans quand ils désirent leur inspirer dès le bas âge des doctrines religieuses d’un ordre particulier ; mais les enfans de la classe la plus pauvre, qui sont élevés dans les écoles gratuites, ne doivent y recevoir aucun enseignement dogmatique, et tout prosélytisme y est sévèrement interdit.

Les écoles dites publiques (public schools) sont au nombre de 18 ; mais chacun de ces établissemens contient dans le même local trois classes différentes, une qui est réservée à l’instruction primaire, une seconde pour les garçons, et une troisième pour les filles. Il y a dans quelques-unes de ces écoles publiques, qui ont les proportions de véritables monumens, jusqu’à 1,500 ou 1,800 enfans de tout âge. Outre ces établissemens qui, bien que patronnés aujourd’hui par la cité, restent encore, en vertu de leur origine, sous la direction d’une société particulière, on trouve à New-York 29 autres écoles publiques dites écoles d’arrondissement ( ward schools), dont la fondation remonte à 1842. Chacune d’elles a un local particulier pour les deux sexes, et une annexe ou école normale destinée à préparer des jeunes gens à l’enseignement. Cent mille enfans environ fréquentent journellement les écoles de New-York. Deux écoles sont réservées spécialement aux enfans noirs, et il faut espérer qu’on verra bientôt disparaître cette humiliante distinction qui, même dans les états libres de l’Union, sépare encore partout les deux races, à l’école, au théâtre, à l’église, dans les voitures de chemin de fer. Boston a donné déjà l’exemple sur ce point comme sur tant d’autres :