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rapprochement entre les représentations théâtrales et les lectures américaines. Ainsi que les artistes étudient leurs rôles, les professeurs préparent pour la saison les leçons où ils espèrent le mieux faire briller leurs facultés. Ils ont, comme les chanteurs, des thèmes favoris ; l’histoire les fournit aux uns, la littérature, la morale, la politique, à d’autres. Quand une lecture a réussi, l’auteur va la répéter de lieu en lieu, les journaux l’annoncent comme ils annonceraient une pièce à succès. Arrivé dans une ville, le lecturer loue la plus grande salle qu’il puisse trouver, vend ses billets, et le produit de la recette revient, les frais payés, soit au professeur, soit à quelque œuvre ou société particulière dont il est l’agent. Souvent ces discours publics ont pour but de favoriser la manifestation d’un sentiment populaire. C’est ainsi que pour aider à racheter Mount-Vernon, la résidence historique du général Washington, M. Edward Everett, ancien ministre des États-Unis à Londres, a répété une centaine de fois sa lecture sur le célèbre fondateur de la république américaine. Plus souvent encore, ces leçons ne sont qu’une spéculation privée dont le succès dépend du talent et de la célébrité de celui qui la tente. C’est ainsi que le satirique auteur de la Foire aux Vanités a refait plusieurs fois devant le public américain le cours qu’il avait ouvert d’abord à Londres, devant l’auditoire le plus aristocratique de l’Angleterre, sur les écrivains humoristes de la Grande-Bretagne. La plupart des essais de Ralph Waldo Emerson se sont d’abord produits sous forme de lectures. En parcourant ces pages admirables, on s’étonne à bon droit qu’une assemblée ordinaire ait pu suivre les élans d’un esprit aussi capricieux et les déductions d’une logique si profonde. Il n’y a pourtant pas une seule lecture d’Emerson qui n’ait réuni la foule la plus empressée. Ce zèle fait assurément beaucoup d’honneur aux habitans de Boston et de la Nouvelle-Angleterre ; il est douteux que dans beaucoup de nos grandes villes européennes, peut-être même de nos capitales, on put intéresser longtemps un auditoire de gens du monde à de pures abstractions philosophiques. En définitive, les lectures telles que les comprennent certains esprits d’élite ne sont pas des amusemens frivoles : elles fournissent au peuple des enseignemens aussi bien que d’honnêtes distractions ; les hommes les plus graves, les plus célèbres ne dédaignent pas de se faire professeurs pour répandre leurs idées, dissiper des préjugés, prêcher des réformes. Les lectures remplissent ainsi une place véritablement importante dans l’organisation sociale des États-Unis.

Toutes les villes d’Amérique ne jouissent pas d’un système d’éducation aussi perfectionné que Boston : il faut dire cependant quelques mots de celui qui existe à New-York, car, si les questions