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bien abritée de 90 hectares, accessible aux grands bâtimens sur presque toute son étendue, et pouvant contenir vingt vaisseaux, vingt frégates et trois cents navires marchands. Il reste à construire sur les quais un arsenal maritime de réparations et de ravitaillement, dont le projet, ajourné par le conseil supérieur de l’amirauté, sera tôt ou tard repris, comme le couronnement nécessaire des travaux déjà accomplis.

Dans la nouvelle période qu’inaugure la suppression du gouvernement général d’Alger, les autres ports espèrent obtenir à leur tour de plus larges dotations que par le passé. Si l’importance acquise jusqu’ici par chacun d’eux a été dans une certaine mesure indépendante de sa valeur propre et subordonnée aux convenances de la conquête, leur futur développement et par suite les crédits à leur accorder doivent se mesurer désormais à leurs qualités nautiques et à la richesse des territoires qu’ils sont appelés à desservir. Au nom de ce principe de haute justice et de véritable économie, un ingénieur hydrographe, dont la marine et la science déplorent la mort prématurée, M. Lieussou, avait dressé un système général des travaux à exécuter sur les principaux points du littoral algérien, au nombre de seize, qui ont reçu de la nature quelques gages d’un avenir maritime. Dans ses vues, le premier rang commercial, temporairement acquis à Alger, était réservé dans l’ouest à Arzew, dans l’est à Bougie, deux points aujourd’hui bien délaissés, et qui sont tôt ou tard appelés à devenir, à droite et à gauche d’Alger, les principaux ports de transit entre l’Europe, le Sahara algérien et l’Afrique centrale. Ces perspectives, bien que justifiées par les mérites naturels des rades et la distribution géographique des bassins commerciaux de l’intérieur, invitent seulement à ménager par terre et par mer un facile accès vers les places d’Arzew et de Bougie, afin de leur donner les moyens de faire prévaloir toute leur puissance virtuelle. Entre ce triomphe lointain de leur supériorité et la situation présente, une période intermédiaire doit faire une part légitime aux intérêts déjà constitués. Dans cette période, où nous entrons dès aujourd’hui, Oran et Mers-el-Kebir se disputent la prééminence dans la province d’Oran, Stora et Philippeville dans celle de Constantine. Dans celle-ci, Collo, occupé depuis quelques mois seulement par les Français, aurait supplanté ses deux rivales, si le hasard d’une marche militaire eût dirigé vers ce point les colonnes du maréchal Valée, qui s’arrêtèrent sur les ruines de l’antique Russicada. Bône, plus à l’est, se tient pour déshérité, et se plaint, non sans justice, d’un oubli dont la nature s’est, pour son malheur, rendue complice en plaçant cette ville en dehors de la route la plus courte de France vers Constantine. Quant à Oran et Mers-el-Kebir, leur