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les montagnes, des canaux dans les plaines, des citernes autour des maisons. La richesse liquide se perd à la surface ou dans les entrailles du sol, et s’en va stérilement s’engloutir dans la mer, quand elle ne s’extravase pas à droite et à gauche en nappes stagnantes et marécageuses. D’exactes observations ont constaté que la couche de pluie annuelle varie, dans les provinces de Constantine et d’Alger, de 500 à 1,100 millimètres, autant et plus qu’en France ; sur le littoral seul d’Oran, elle est plus faible, et se réduit quelquefois à 300, ce qui assure à cette province, en compensation d’une moindre humidité, le privilège des cultures subtropicales, telles que le coton. L’étendue totale des terres actuellement irrigables dans le Tell algérien est évaluée à 800,000 hectares sur 15 millions ; des barrages la porteraient à 1 million et peut-être davantage : au moyen de puits ordinaires et de puits artésiens, elle deviendrait en quelque sorte illimitée, si la dépense pouvait toujours être couverte par le rendement.

Les chutes d’eau offrent une richesse d’un autre ordre en forces motrices. Tout le versant nord de la chaîne atlantique s’incline en pentes rapides, sur lesquelles coulent de très nombreux ruisseaux, dont la vitesse accroît la puissance. Minoteries, huileries, forges, papeteries, usines de tout genre, en tireraient parti sans nuire à l’agriculture, qui, dans les plaines, réclame l’usage presque absolu des eaux. L’inventaire de ces forces peu connues et peu appréciées permettrait d’opposer bien des compensations au vice le plus grave du système hydrographique de l’Algérie, l’absence de ces larges et profondes voies navigables qui ont tant contribué à la fortune des États-Unis.

Quant au sol, les terrains de sédiment, les plus fertiles de tous, y dépassent en énorme proportion les terrains cristallins. Le sol argilo-calcaire, mêlé de sable, qui est le sol normal, y constitue, avec les alluvions, le fond des plaines, et recouvre les coteaux qui les encadrent. Très rarement l’abondance d’argile y empêche la production ; le sable s’y trouve plus fréquemment en excès, sans jamais pourtant rendre stériles les terres les plus légères, pour peu qu’un filet d’eau les arrose. Généralement la couche végétale est assez épaisse pour permettre la culture, même au sein des montagnes et sur les plateaux supérieurs, sur leurs croupes arrondies et leurs flancs, quand la pente n’est pas trop abrupte. C’est ainsi que la Grande-Kabylie, la contrée la plus montagneuse de toute l’Algérie, est en même temps la plus cultivée et la plus peuplée. L’indépendance et la sécurité ayant permis à l’industrie agricole de s’y élever au niveau des besoins, la nature, que l’on aurait à distance jugée sauvage et rebelle, a répondu à l’appel de l’homme. Toutes les ré-