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n’étaient point précisément infidèles, mais elles étaient incomplètes et défectueuses ; elles ne traduisaient qu’assez imparfaitement la pensée qui avait dicté cet exposé. Au fond, le gouvernement danois n’a pris encore aucune résolution ; il en est toujours à délibérer sur ce qu’il doit faire définitivement à l’égard de ces propositions des états provinciaux du Holstein, qu’il ne peut ni repousser entièrement ni accepter complètement.

Cet antagonisme qui s’est si violemment déclaré entre le Holstein et le Danemark a plus d’une cause sans doute ; il a surtout été excité et entretenu par un prince qui est devenu presque un personnage en Allemagne, par le duc d’Augusten bourg, qui ne cesse de s’agiter encore aujourd’hui pour troubler la paix intérieure du Danemark, pour fomenter l’opposition des duchés et empêcher toute conciliation entre les diverses parties de la monarchie danoise. Il n’est peut-être pas inutile de rappeler quel est ce prince dont le titre ducal n’existe plus, et qui persiste toujours dans son rôle de prétendant agitateur. Le duc d’Augustenl)ourg est le fils de la sœur du feu roi Frédéric VI de Danemark. Bien que ses titres à la couronne fussent fort douteux d’après l’ancienne loi de succession danoise, il aurait pu néanmoins, avec de l’esprit de conduite et en montrant de l’attachement pour son pays, aspirer au trône à la mort du roi actuel, Frédéric VII, et de son oncle, le prince héréditaire Ferdinand, qui n’ont d’enfans ni l’un ni l’autre. Au lieu de suivre le droit chemin tout tracé devant lui, il a préféré recourir à toute sorte de menées, en travaillant par tous les moyens à préparer le démembrement de la monarchie danoise. C’est de lui que vient l’idée de la division de la monarchie en deux parties, c’est lui aussi qui a conçu la pensée de la formation d’un nouvel état européen, composé des duchés de Slesvig, de Holstein et de Lauenbourg, état dont il serait naturellement le premier duc régnant. C’est sous ses auspices que s’est organisé le parti slesvig-holsteinois. Ce travail de conspiration a duré plus de vingt ans ; on en a vu les effets en 1848. Si le duc d’Augustenbourg ne fut pas le chef ostensible de l’insurrection de cette époque, s’il jugea plus prudent de se faire remplacer par son frère à la tête des insurgés, il ne fut pas moins le fauteur, le soutien le plus actif de ce mouvement, soit dans le pays même, soit au dehors, près de tous les cabinets allemands. Les papiers saisis à son château d’Augustenbourg ne laissèrent aucun doute sur le degré de sa participation à la révolte. Certes le Danemark n’eût fait que rester dans son droit en le considérant comme un prince rebelle et en le traitant en conséquence. Il n’en fut rien ; on se borna à exiger de lui qu’il quittât le pays, qu’il renonçât à toute expectative de succession à la couronne, et qu’il vendît ses terres à l’état. Il y eut un acte signé à Francfort le 30 décembre 1852. Le Danemark paya au prince rebelle une somme de 4 millions d’écus ou 12 millions de francs pour la valeur de ses terres ou pour l’acquittement de dettes et pensions. Le duc s’engagea à son tour, sur sa parole de prince et sur l’honneur, à demeurer désormais hors des états du roi, à ne rien entreprendre pour troubler la tranquillité du Danemark, et à ne s’opposer d’aucune façon à tout ce qui serait adopté, soit pour le règlement de la succession à la couronne, soit pour l’organisation éventuelle de la monarchie.

Le Danemark achetait ou croyait acheter la tranquillité douze millions de francs. Il semble en effet qu’après des engagemens aussi formels, payés