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avec attention, s’assura bientôt qu’ils se mettaient en retraite, et une forte explosion le confirma dans cette idée. C’étaient effectivement leurs munitions qu’ils faisaient sauter avant de fuir. Après être retourné au galop près du général Wilson, qu’il informa de cette manœuvre, le commandant des irréguliers sollicita et obtint l’autorisation de pousser une reconnaissance dans le camp évacué, ce qu’il fit à la tête de soixante-quinze hommes, non sans se donner le plaisir de sabrer, chemin faisant, bon nombre de maraudeurs, et, comme il le dit lui-même, de « personnages à mines suspectes. » Son expédition fut d’ailleurs très heureuse : il ramena trois canons, des drapeaux, des tambours, et la vaisselle plate d’un des régimens insurgés. Mis en goût d’aventures, il sollicita dès le lendemain et n’obtint qu’à force d’instances la permission de courir sus au vieux roi, dont on ne s’occupait guère en ce moment, bien que des négociations eussent été ouvertes avec lui, même avant l’assaut final. Le général Wilson se préoccupait par-dessus tout de « l’embarras » qu’allait lui causer pareille capture. «Je l’assurai, dit Hodson, que s’il était embarrassé du roi, c’était bien à la teneur des instructions qu’il le devrait, car, pour mon compte, j’aimerais bien mieux le ramener mort que vif dans la capitale de son empire[1]. » Et là-dessus, il partit, avec cinquante cavaliers seulement, pour terminer à sa manière les négociations entamées. Ses pouvoirs allaient jusqu’à garantir la vie et la liberté du souverain détrôné, lequel serait à l’abri de toute insulte personnelle. C’est à l’un des acteurs de ces scènes étranges que nous allons laisser la parole :


« Il faut avoir parcouru, il faut connaître les ruines à travers lesquelles passa le détachement pour se faire une idée des dangers auxquels Hodson s’exposait de gaieté de cœur. Arrivés à destination, le commandant et ses hommes se cachèrent dans un vieux bâtiment, h. portée du conduit voûté qui donne accès dans la tombe de Humayoun, où chaque matin se rendait le vieux monarque, qui, chaque soir, s’en retournait à sa résidence ordinaire, le Kootub. Deux émissaires furent ensuite envoyés à la begum, Zeenat-Mahal, par qui passait toute cette diplomatie. Ils lui portaient l’ultimatum du général, savoir la vie du roi, celle de son dernier fils, celle de son père (ce dernier mort depuis cette époque). Après deux longues heures d’attente, pendant lesquelles le commandant déclare avoir subi les plus rudes angoisses qu’il eût jamais connues, ses émissaires revinrent avec une dernière offre. — Le roi ne voulait se remettre qu’entre les mains du capitaine Hodson en personne, et à la condition que ce dernier lui répéterait, de sa propre bouche, les promesses formelles du gouvernement qui lui assuraient la vie sauve. Le capitaine sortit alors et alla se camper vis-à-vis de la porte du tombeau, se déclarant prêt à recevoir les prisonniers et à confirmer sa promesse. Représentez-vous la scène, devant ce magnifique portail sculpté,

  1. Lettre du 24 septembre, postérieure de deux jours seulement aux événemens qu’elle raconte. Elle est adressée à mistress Suzan Hodson.