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ment de fuit n’aurait-il pas les siens ? Les uns intervenant pour les princes et les autres pour les peuples, la guerre peut naître de cette double intervention étrangère dans les affaires d’un état. Or cette hypothèse peut se réaliser à tout moment en Italie. Sans parler de l’anomalie et du trouble qu’ont déjà produits dans le passé les interventions de la France et de l’Autriche dans les états du pape, qui ne voit qu’aujourd’hui, où il existe en Italie un état fondé sur le principe libéral, le Piémont, la collision dont nous parlons est un danger permanent pour la paix de l’Europe ? Dans l’intérêt de la paix générale aussi bien que dans l’intérêt bien entendu des peuples et des gouvernemens italiens, il faut que l’Autriche abandonne ce droit d’intervention exclusive et universelle qu’elle s’est arrogé par ses traités particuliers, et que si l’intérêt de l’ordre exige pendant une période transitoire que les gouvernemens puissent compter sur l’appui d’une force étrangère, il soit pourvu à ce besoin par un arrangement impartial et arbitral qui ait le caractère d’une protection collective de l’Europe. Mais si lord Cowley est fondé à croire qu’il rapporte de Vienne de bons élémens, il n’y a plus à s’inquiéter des conséquences extrêmes de la thèse de M. de Buol. L’Autriche accepte le débat sur son principe d’intervention, et cette acceptation même annonce de sa part une sage renonciation aux excès de sa logique légitimiste.

Le terrain sur lequel portera la négociation est donc facile à discerner. Ce n’est pas tout : l’acceptation commune de ce terrain par la France et par l’Autriche et d’autres symptômes également significatifs indiquent que la question italienne ainsi posée serait dégagée des plus graves conq^lications que l’on avait redoutées. Déjà il ressortait des explications données dans la chambre des communes que l’Angleterre se prononçait d’avance contre la perturbation des distributions territoriales réglées par les traités. En Allemagne, le même attachement à l’ordre territorial de l’Europe s’est révélé, sans doute sous une forme fâcheuse. Il est déplorable que les imprudences de cette partie de la presse qui a demandé la guerre pour dépouiller l’Autriche des possessions italiennes qu’elle tient des traités aient réveillé au sein des populations allemandes les vieilles passions de 1813. Des écrivains maladroits et chimériques ont commis une faute non moins lourde en mêlant’à la discussion de ces grands intérêts la chimère des questions de races : ils ont voulu que la France, à titre de nation latine, aidât les Latins de la péninsule à chasser les Allemands du nord de l’Italie. Les Allemands, qui ne sont que trop sensibles à ces vagues et faux rapprochemens auxquels donnent lieu en politique les hasardeuses théories historiques qui roulent sur les questions de races, ont répondu à ces maladroites provocations par la résurrection du teutonisme au sein des masses, par d’intempérantes manifestations dans la presse et dans les assemblées des petits états de la confédération. Il est heureux que le ministère prussien ait donné au sentiment du respect des traités une expression plus réservée et par conséquent plus digne d’être prise en considération. Ainsi, dans la voie des négociations que l’Angleterre et la Prusse ont ouverte à la France et à l’Autriche, ces questions, qui étaient la guerre même, sont écartées ; il ne s’agit plus de demander à une grande puissance des concessions qui ne peu-