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enfin faire parvenir ce bienfait du crédit jusqu’aux moindres entrepreneurs, jusqu’à l’ouvrier en chambre, on ne trouvera point mesquines ces institutions des petites villes de la Prusse, qu’il serait si profitable d’imiter dans nos moyennes localités. On souhaitera aussi de voir inaugurer dans les capitales mêmes des associations pareilles à l’Union du Crédit de Bruxelles, dont les résultats défient toute critique.

Pratiquées sur une petite échelle, les unions de crédit mutuel créent l’esprit d’initiative, l’habitude de la prévoyance, l’ordre, l’économie, la dignité morale, le sentiment de la solidarité, le besoin de l’association pour des buts pratiques et déterminés. Elles sont en outre susceptibles des plus larges développemens, puisque la mutualité constitue le procédé le plus économique; telle est la puissance de la mutualité à produire de grands effets avec de petits moyens, qu’elle fait réellement tous les frais même de nos grandes institutions, dont le capital de garantie serait illusoire, si la mutualité indirecte qui existe entre tous les emprunteurs était quelque jour insuffisante pour couvrir des sinistres accumulés. Ces unions enfin, qui pourraient exister entre des industries similaires à Paris même et s’étendre dans les départemens, arriveraient à composer de véritables jurandes, des corporations efficaces pour la protection de leurs membres et sans danger pour leur liberté.


III.

On s’est proposé ici un double objet : esquisser d’une part le mouvement économique né du grand ébranlement de février, les formes générales sous lesquelles la question du crédit s’est produite, et de l’autre mettre en lumière, par conséquent recommander aux hommes d’esprit pratique une espèce d’établissement de crédit qui paraît mériter leur attention à un haut degré.

En rappelant à plus de dix ans de date les graves événemens accomplis en 1848, il n’est pas besoin de s’appesantir sur une distinction tant de fois faite. Au point de vue politique, cette révolution n’était justifiable à aucun titre, et on n’a même plus essayé de la justifier dès le lendemain de la victoire. Au point de vue économique et social, le régime de 1830 ne doit être non plus l’objet d’aucune condamnation; il se prêtait à toutes les améliorations, il était susceptible de tous les progrès. Et néanmoins la révolution de 1848 a été une révolution économique et presque sociale en ce sens qu’elle a donné jusqu’ici, sans contestation possible, la prépondérance aux intérêts économiques et industriels. Dans ce mouvement qui va de l’occident à l’orient, qui remonte du sud à l’extrême