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d’un fort, sera fondé à une profondeur de 42 mètres ; les plus fortes escadres trouveront un abri derrière ce rempart. Enfin de puissantes fortifications enveloppent l’établissement principal, et les moindres plages abordables aux bateaux de pêche sont défendues par des escarpemens et des batteries. L’île entière d’Aurigny, dont la contenance est d’environ 2,000 hectares, ne formera dans l’occasion qu’un camp retranché. Le gouvernement anglais, demandant à la chambre des communes, le 28 février 1853, un crédit de 160,000 liv. sterl. (4 millions de francs) pour ces fortifications, déclarait par la bouche de sir Francis Baring qu’aucune position n’était plus nécessaire à fortifier dans la Manche, et il suppliait ses adversaires de ne point faire porter le débat sur des questions techniques qu’il serait dangereux d’agiter devant tout le monde. Sir James Graham ajoutait, en homme attentif à ne point engager l’avenir, qu’il serait ultérieurement décidé si le port et le mouillage seraient augmentés. Ces travaux se poursuivent avec l’activité dont nous avons donné l’exemple à Cherbourg, et si l’on veut bien considérer que le milieu de la Manche est dès ce moment barré par un triangle dont le port militaire d’Aurigny est le sommet, et dont la base s’étend de Portsmouth à Plymouth, que les lignes d’opération ainsi appuyées sont parcourues en huit heures par des bateaux à vapeur, on pardonnera aux populations qui sont en vue de la guérite de lord Palmerston de ne la point regarder comme un simple objet de curiosité, et de réfléchir quelquefois aux divers usages auxquels elle est propre.

Tandis que l’Angleterre multiplie ainsi les points d’appui autour de Portsmouth, et nous enveloppe dans une circonvallation de forteresses maritimes, nous laissons Cherbourg isolé. Le seul point de la côte de Normandie où quelques vaisseaux de ligne trouveraient un mouillage imparfaitement défendu est la rade de La Hougue, placée sous l’influence fâcheuse des courans du raz de Barfleur et des vents du nord. De là jusqu’au cap Grisnez, qui sert de borne entre la Mer du Nord et la Manche, il n’est pas une crique où un vaisseau pût jeter l’ancre. Devant Boulogne et Ambleteuse, un accident sous-marin, — l’extrémité de la Bassure de Bars, — se prêterait à la création d’un abri plus grand que la rade de Cherbourg, et d’autant plus nécessaire que la côte en est plus dépourvue[1] ; mais les travaux gigantesques entrepris en vue de nos côtes, à Dangeness et à Douvres, ne nous ont encore fait faire aucun retour sur nous-mêmes. À l’ouest, la rade de Cancale abriterait, il est vrai, une demi-douzaine de vaisseaux ; placée malheureusement en arrière

  1. Voyez, dans la Revue des Deux Mondes du 1er décembre 1844, le Pas-de-Calais.