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raison. Son essai sur Priestley indique un juge compétent dans les matières de philosophie, et ses différens travaux sur les rapports de l’église et de l’état le montrent dans ses jugemens fort au-dessus des intérêts de secte et de parti. Bien pénétré de la difficulté du problème, s’il en donne lui-même une solution assez vague, il expose et discute supérieurement les systèmes de Hooker, de Warburton, de Coleridge, de Whately, d’Arnold, et toutes les controverses du jour sur une question non moins politique que religieuse. Je n’ai pas besoin de dire qu’il ne parle d’Arnold qu’avec cette sympathie respectueuse que le maître de Rugby a eu le don d’inspirer à tous les amis éclairés du bien.

M. Martineau considère comme incompatible avec le christianisme l’anti-supernaturalisme, qui prétend rendre compte de toute l’œuvre du Christ et désigner les causes secondes auxquelles pourraient être attribués tous les caractères de la religion et de son auteur. À ses yeux, ceux qui regardent le Christ, non comme une source originale de vérité et de bien, mais comme un produit d’influences étrangères, non comme le maître de leur foi, mais comme un condisciple à l’école de la vérité spirituelle, ne sauraient être appelés chrétiens. La croyance à laquelle il accorde ce nom peut s’associer cependant avec un anti-supernaturalisme, non pas philosophique, mais historique, c’est-à-dire qui, sans nier en soi la possibilité des miracles, se bornerait à mettre en question, par la critique des témoignages, la réalité de certains miracles, et n’en conclurait rien contre les droits surnaturels de la religion dont les monumens contiennent ces miraculeux récits. Quant à lui, le tableau de la venue du christianisme le frappe et le persuade. M. Martineau voit là une intention de la Providence ; seulement, pour la connaître, il n’a pas besoin de croire que tout soit divin dans les livres qui lui révèlent ce grand événement. Ces livres d’abord ne contiennent pas cette affirmation. Il les regarde bien comme énonçant des réalités, dont la plus pure et la plus constante est la beauté unique du caractère de Jésus : point de dissidences, point de contradictions là-dessus. À tous autres égards, l’ensemble des écrits tenus pour canoniques n’offre pas une telle unité, une si irrésistible évidence, une infaillibilité si manifeste, qu’une portion considérable de la société chrétienne n’ait été obligée de chercher ailleurs la certitude, et d’attribuer à une autorité vivante le don de l’inspiration, afin d’interpréter dans son vrai sens l’inspiration des écrivains sacrés. En s’exprimant ainsi sur l’église catholique avec un ton beaucoup moins hostile que la plupart des théologiens anglais, M. Martineau ne néglige pas de mettre dans son jour le vice de raisonnement sur lequel repose la doctrine de l’infaillibilité constituée sur la terre. Il s’attache à prouver qu’un