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C’est une question déjà traitée et à moitié résolue. Elle s’agite de nouveau avec une ardeur que justifie la gravité des intérêts qui s’y rattachent dans le présent comme pour l’avenir. Elle mérite qu’on s’y arrête, car en pareille matière la décision qui sera prise aura nécessairement une grande influence sur les destinées de la colonie.

La législation douanière de l’Algérie a déjà donné lieu à de nombreuses études, et il n’est pas sans intérêt de rappeler les mesures qui ont été prises à diverses époques. Dès 1835 (11 novembre), une ordonnance, remplaçant les arrêtés des gouverneurs, régla les tarifs de la colonie. Les transports entre l’Algérie et la France étaient réservés au pavillon français ; pour les relations internationales, le pavillon étranger pouvait être admis, moyennant le paiement d’une taxe de 2 francs par tonneau. Les marchandises françaises, ainsi que les marchandises étrangères qui avaient acquitté les droits dans les ports français, étaient reçues en franchise. Le même régime était appliqué aux denrées alimentaires, aux matériaux à bâtir et à divers articles de première nécessité, sans distinction de provenance. Les autres marchandises importées de l’étranger devaient acquitter le quart ou le cinquième seulement des droits du tarif français, et celles qui étaient prohibées dans ce tarif étaient soumises à des droits de 12 ou 15 pour 100 de la valeur. — Ainsi, dès les premiers temps de la conquête, on avait compris la nécessité d’un tarif modéré pour une colonie naissante où tout était à créer. La prohibition ne figurait pas dans le tarif algérien. Quant à l’importation en France des produits de l’Algérie, elle demeurait assujettie aux règles du tarif ordinaire, c’est-à-dire que ces produits étaient traités à nos frontières comme étrangers ; mais en 1835 cette disposition était insignifiante. L’Algérie ne produisait rien encore ; c’était un champ de bataille. La France n’avait à recevoir de sa nouvelle possession que des cargaisons de soldats blessés ou malades et des bulletins de victoire. Les Arabes chevauchaient dans la Metidja. Le libre échange le plus parfait n’eût été, à cette époque, d’aucune utilité pour l’œuvre, nécessairement ajournée, de la colonisation.

Un incident de détail prouve néanmoins que le gouvernement n’était pas éloigné d’adopter, à l’égard de l’Algérie, une politique libérale. Une ordonnance du 27 février 1837 accorda au pavillon étranger, sous la condition d’un droit de 2 francs par tonneau, la faculté d’effectuer les transports entre l’Algérie et la France et de se livrer au cabotage sur les côtes de la colonie. C’était une dérogation très considérable à notre système douanier, et elle était caractéristique ; elle indiquait que l’administration n’entendait pas enchaîner l’Algérie dans les liens du vieux régime colonial. Le pavillon étranger s’empressa de profiter de la brèche qui lui était ouverte, et il accapara promptement une part notable des transports, au détriment du pavillon français. De là, des plaintes assez vives auxquelles on se crut obligé de donner satisfaction. L’ordonnance du 7 décembre 1841 supprima la tolérance -concédée en 1835, et, à partir de cette époque, les rapports de la métropole