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imprimé au cylindre, et alors les hommes sont obligés de mettre le pied sur chaque marche au moment où elle passe sous eux, piaffant comme des chevaux embourbés. Ils font ainsi quatre cent quatre-vingt-quinze pas en un quart d’heure, et comme à Goldbath-Fields on les met au tread-wheel quinze quarts d’heure par jour, le mouvement quotidien qu’ils accomplissent équivaut à une ascension perpendiculaire de plus d’un mille. Dans d’autres prisons où l’emploi de cette machine est moins fréquent, la santé des détenus s’en trouve bien; mais à Goldbath-Fields la trop longue durée de cet exercice le rend si fatigant qu’il n’est pas de moyens qu’ils n’imaginent pour se donner des maladies ou se faire des blessures qui les en exemptent. Dans ce cas, lorsqu’ils sont guéris, on introduit dans leur cellule un instrument qu’on appelle crank. C’est un tambour de fer à moitié plein de sable et muni d’une manivelle au moyen de laquelle on fait mouvoir une roue à godets tournant dans l’intérieur, de manière que chaque godet se remplit en traversant la couche de sable et se vide en complétant son évolution. Le prisonnier doit imprimer à cette roue dix mille tours dans la journée. Il n’en est pas qui, au bout de quelques heures de cet exercice qui remplit la cellule de bruit et de poussière, ne demande à être ramené au tread-mill. Le crank, en usage dans toutes les prisons anglaises il y a peu d’années encore, en a été écarté par suite de deux cas de mort attribués à l’excessive rigueur d’un gouverneur de la prison de Birmingham, et qui sont devenus le sujet d’un roman populaire. Il y a encore une autre occupation du même genre pour les hommes qui n’ont pas atteint l’âge de quarante-cinq ans : c’est le shot-drill, la manœuvre du boulet, qui consiste à transporter des boulets d’une place à une autre, par des mouvemens simultanés, pendant cinq quarts d’heure.

Toute cette fatigue ingénieusement inutile humilie le condamné, augmente son dégoût pour le travail, et irrite sa haine contre une société qui lui semble ne le châtier que par vengeance. Un luxe de précautions et de contraintes toujours déjouées ne fait qu’exalter ces sentimens. Le masque qui couvre les visages pendant ces divers mouvemens n’empêche pas plus que la règle du silence les prisonniers de se connaître, de s’apprendre l’époque de leur libération et de convenir de leur réunion à l’expiration de leur peine. Il y aurait cependant un bon parti à tirer du tread-wheel. On pourrait l’employer comme moteur d’une machine productive et donner au condamné une part de la valeur des produits, ainsi que cela se pratique déjà dans la prison de Worcester, où cette roue est employée à moudre du blé.

Tel est dans ses principaux détails le régime des prisons en Angleterre. On voit qu’on n’y a rien épargné de ce qui, dans la pensée des directeurs de ce service, pouvait amener le coupable à résipis-