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de vous transmettre, consacre d’une manière solennelle cet acte de justice et de libéralité. Rendre au peuple ionien sa liberté et ses lois, c’est exercer envers lui un acte de justice; lui garantir la jouissance paisible de bienfaits si grands en plaçant le progrès de sa régénération politique sous les auspices de la protection britannique, c’est associer sa fortune aux intérêts les plus éminens et assurer à son bonheur un long avenir. »

Les cent-jours empêchèrent les alliés d’organiser la république ionienne. Les traités du 4 juillet et du 5 novembre 1815 confirmèrent ce qui avait été arrêté précédemment. Le général Campbell, commissaire des puissances alliées, fut chargé d’aller expliquer aux Ioniens tout ce qu’il y avait d’obscur dans la réponse de Capodistrias, et de leur faire comprendre comment la Grande-Bretagne entendait pratiquer le protectorat.


III.

Pour se faire une idée exacte des événemens de cette période, il faut avoir bien soin de ne pas confondre l’Angleterre avec le parti qui la gouvernait en 1815. Le torysme avait pour principal représentant l’Irlandais Robert Steward, marquis de Londonderry et vicomte Castlereagh. Cet homme d’état avait exercé en Irlande une impitoyable dictature. Le tory entêté qui devait finir par le suicide, qui joua parmi les diplomates chargés de disposer du sort de l’Europe un rôle si funeste, rôle auquel il resta fidèle quand il dirigea le ministère anglais, Castlereagh, semblait inspirer à tous les représentans de la Grande-Bretagne la fougue aveugle qui l’animait lui-même. On ne doit pas s’étonner que, dans de pareilles conjonctures, le général Campbell ait pris pour modèle le plénipotentiaire anglais au congrès de Vienne. Il commença par déclarer aux insulaires avec une hauteur toute britannique que son gouvernement ne reconnaissait point l’existence d’un peuple ionien indépendant; puis il supprima les imprimeries, sauf une, qui fut réservée aux autorités, et constitua des tribunaux militaires, véritables cours martiales, qui reçurent l’ordre de considérer comme rebelles tous ceux qui entendraient d’une autre manière que le commissaire des puissances alliées les traités de 1814 et de 1815.

Le général Campbell ne faisait que précéder le premier « lord haut-commissaire » des Iles-Ioniennes. Thomas Maitland était un de ces esprits étroits dont le patriotisme se manifeste surtout par une vive antipathie pour tout ce qui n’appartient point à leur race. Incapables de comprendre d’autres tendances, d’autres goûts, une autre civilisation que celle de leur pays, ils traiteraient volontiers en ilotes les trois quarts de l’espèce humaine. Évidemment les gen-