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nous permette du moins de donner à Mme la duchesse d’Orléans la seule louange que sa modestie eût acceptée, car c’est la simple reconnaissance du devoir auquel elle avait dévoué sa vie. Les malheurs terribles qui l’avaient frappée, la mort funeste du duc d’Orléans, la révolution de février, l’exil, la perte de l’héritage et de la patrie de ses enfans ne lui avaient fourni que trop d’occasions de signaler son courage, sa grandeur d’âme et sa résignation : c’étaient ses titres à l’intérêt qu’elle excitait chez tous les cœurs généreux. Mais la mémoire de Mme la duchesse d’Orléans se recommande à l’avenir par quelque chose de plus élevé que l’intérêt qui s’attache à l’infortune héroïquement traversée ou noblement subie. Ses enfans, même dans l’exil, avaient encore à sauver leur héritage moral, la tradition libérale et patriotique que leur léguait le testament de leur père. Cet héritage, Mme la duchesse d’Orléans le leur a conservé. Guidée par ces clartés sûres et fortifiantes que répand dans une conscience honnête le sentiment d’un devoir simple à remplir, elle n’a laissé entamer le patrimoine moral de ses enfans par aucune de ces molles concessions que l’incertitude des événemens et d’inquiets calculs conseillent aux hommes d’état. On a voulu quelquefois attribuer à Mme la duchesse d’Orléans un caractère politique : Mme la duchesse d’Orléans n’a point été une femme politique. Elle a été une bonne mère, et c’est dans sa piété maternelle qu’elle a puisé la droiture et la dignité du rôle public que lui imposaient les circonstances. Hélas ! la mère s’est sacrifiée jusqu’à la fin. Le climat de l’Angleterre était contraire à la santé de Mme la duchesse d’Orléans ; mais ses fils étaient arrivés à cet âge où une libérale et forte éducation ne peut s’achever que par le spectacle d’une grande société, et par l’étude des intérêts et des institutions qui animent et gouvernent l’activité des peuples libres. La princesse, oubliant le soin de sa santé délabrée, voulut accompagner ses fils en Angleterre, et c’est là, c’est à son poste de mère, qu’elle a trouvé la mort.

Si nous revenons en France, nous n’avons à signaler d’autre fait important que la circulaire ministérielle relative à la conversion en rentes des propriétés immobilières des établissemens de bienfaisance. L’opinion a fait à cette circulaire un accueil peu favorable, et nous aimons à espérer, ou que les intentions du gouvernement ont été mal interprétées, ou que le gouvernement, éclairé par les objections qui s’élèvent, atténuera les instructions si pressantes qui ont été adressées aux préfets. Dans certains cas particuliers, l’état, tuteur des établissemens charitables propriétaires de mainmorte, peut faire acte de prévoyance et de sagesse en conseillant à ceux de ces établissemens qui administreraient maladroitement leurs ressources de rechercher des placemens avantageux. Il peut arriver par exemple que tel ou tel hospice ait dans ses propriétés des parcelles de terrain chères à exploiter, ne rendant pas un revenu proportionné au prix en capital auquel on pourrait s’en défaire. Dans ce cas, l’établissement de bienfaisance agira sagement, s’il convertit en rentes une valeur immobilière qui ne lui donne point un revenu suffisant. Nous ne pouvons pas croire que l’intention du gouvernement aille au-delà de ce principe de bonne administration. Peut-être, en examinant attentivement l’état des propriétés des hospices et des établissemens charitables, trouverait-on que ces parcelles qu’il serait utile d’échanger