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quantités, quelquefois très considérables, d’ossemens d’animaux. M. Lund, infatigable chercheur de débris paléontologiques, après avoir examiné plus de huit cents de ces cavernes en Amérique, n’a trouvé d’ossemens humains que dans six d’entre elles, et il n’y en a qu’une seule où il ait remarqué, à côté de restes humains, des os d’animaux d’espèces soit éteintes, soit encore existantes. Ce fait, bien qu’unique, le porte à admettre que l’homme remonte au-delà des temps historiques, et que la race qui vivait dans le pays à l’époque la plus reculée était, quant à son type général, la même que celle qui l’habitait encore au temps de la découverte par les Européens. Cette race était remarquable par la conformation du front, semblable à celle des figures sculptées qu’on retrouve dans les anciens monumens du Mexique. Les os humains étaient absolument dans le même état que ceux des animaux, soit d’espèces perdues, soit d’espèces existantes, au milieu desquels ils se trouvaient, entre autres des os de cheval identique avec l’espèce actuelle, qui était inconnue aux habitans lors de la conquête. Le cheval en effet ne vivait pas en Amérique au moment où les Espagnols y débarquèrent ; mais il y avait vécu. On peut donc penser, si les observations de M. Lund sont exactes, que, tandis que l’espèce cheval disparaissait de l’Amérique et n’y était point remplacée, l’espèce homme, celle du moins qui l’occupait alors, échappait aux causes de destruction, et passait d’un âge géologique à un autre, d’un monde antérieur au monde actuel. Au reste, des paléontologistes sont disposés à admettre quelque chose de semblable pour le chien. Les races de nos chiens domestiques n’ont leur souche dans aucune espèce sauvage actuellement existante. Il est impossible de les attribuer au renard ; mais on a discuté sur la question de savoir si elles ne proviendraient pas du loup ou du chacal. Or il a existé, à l’époque diluvienne, une ou plusieurs espèces sauvages plus voisines du chien domestique que ne le sont le loup, le chacal et le renard. Aussi M. Pictet se demande si cette espèce sauvage n’aurait pas survécu aux inondations qui ont terminé la période diluvienne en submergeant la plus grande partie de l’Europe, si les premiers hommes qui ont habité notre continent n’ont pas cherché à utiliser cette espèce, qui avait probablement un caractère plus sociable et plus doux que le loup, et si cette même douceur de mœurs ne peut pas être considérée comme une explication de son entière extinction actuelle hors de l’état de domesticité.

Ce n’est pas seulement en Amérique que des ossemens humains ont été exhumés ; les têtes que l’on a découvertes dans diverses localités de l’Allemagne n’ont rien de commun avec celles des habitans actuels de cette contrée. La conformation en est remarquable en ce