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total pour des proportions, qu’il est regrettable de ne pouvoir connaître et comparer. Je ne dois pas oublier de mentionner ici l’ingénieuse et hardie invention d’un chef d’atelier de la compagnie d’Anzin, M. Fontaine, qui, au moyen d’un parachute, combat victorieusement les ruptures de câbles. Une centaine de mineurs, qui auraient infailliblement été précipités au fond du puits à la suite de semblables ruptures, si l’appareil n’avait pas fonctionné, doivent la vie à ce mécanisme, dont je ne puis mieux donner une idée qu’en rappelant l’effet qui se produirait si l’on ouvrait une paire de ciseaux dans un tuyau. Deux leviers pointus sont normalement maintenus, durant la circulation de la cage dans le puits, à une distance suffisante des parois. En cas de rupture du câble, un ressort, qui se détend brusquement, fixe instantanément les griffes de ces leviers dans des madriers, et la cage reste suspendue en l’air. Un couvercle solide reçoit la partie du câble qui est attachée à cette cage, et dont on sait que le poids pourrait, si elle est d’une certaine longueur, assommer les hommes. On a vu quelquefois des ouvriers avoir ainsi au-dessus de leurs têtes 524 mètres de câble, soit 2,620 kilogrammes. Lorsque l’arrêt brusque a lieu dans un mouvement ascensionnel, il se fait naturellement à peine sentir ; mais, s’il se produisait pendant la descente d’une cage, il serait à craindre que le choc ne fût très violent et réellement compromettant pour la sécurité des mineurs : il ne paraît pas que ces appréhensions aient été justifiées jusqu’à présent.

Quant aux explosions du gaz hydrogène carboné, irrespirable d’ailleurs comme tous les gaz délétères qui se dégagent dans la mine, il convient de s’y arrêter quelques instans, eu égard aux conséquences désastreuses qu’elles entraînent. Là où se produit une explosion, un grand nombre des ouvriers est brûlé, et le reste court risque d’être asphyxié par les gaz qui viennent remplir les travaux après l’inflammation du grisou. On a vu des tonnes lancées par les puits ainsi qu’une bombe par un mortier, et des mines entières dévastées comme si elles avaient été le théâtre d’une de ces trombes qui viennent quelquefois ravager certaines vallées. Je crois devoir emprunter à l’article déjà cité du British Quarterly Review le récit émouvant d’une descente dans une mine du bassin de Newcastle, faite à la suite d’une de ces catastrophes dont les houillères de cette région sont trop fréquemment le théâtre[1].

« Rien peut-être ne remplit l’esprit d’une plus profonde tristesse que de

  1. Au commencement de l’année dernière, une explosion de grisou a tué d’un seul coup 170 ouvriers, c’est-à-dire, la moitié du personnel intérieur de la mine, et allumé un incendie dont la flamme, dépassant de plusieurs mètres l’orifice de la cheminée d’aérage, projetait au loin une funèbre lueur.