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votes, les frais de construction de toutes les baraques du poll, le paiement des constables spéciaux chargés de maintenir l’ordre[1], sont laissés à la charge du candidat : ils doivent être supportés par parties égales entre les candidats qui se présentent aux électeurs, et le vaincu les paie aussi bien que le vainqueur.

Ainsi tout contribue, dans la pratique des institutions anglaises, à habituer les citoyens à se charger eux-mêmes des affaires publiques et à ne pas s’en décharger sur le gouvernement. Les citoyens ont tout à y gagner, et le gouvernement n’a rien à y perdre. Ce ne sont pas quelques désordres isolés et passagers qui peuvent troubler l’harmonie du spectacle donné dans le choix de ses représentans par une grande nation qui se montre à la fois libre et digne de sa liberté. Les élections de la Grande-Bretagne, quoi qu’on puisse dire et écrire, ne reproduisent plus aujourd’hui ces scènes de violence qui méritaient quelquefois d’être appelées des saturnales, ainsi que le reconnaissait dernièrement le chef du parti conservateur, lord Derby; elles sont restées une lutte, mais elles sont devenues presque toujours une lutte pacifique. Les lois ont pris les devans pour mettre fin aux abus qui ne tournaient qu’au profit de la licence, et les mœurs ont suivi peu à peu le progrès des lois. La longue durée du poll, l’inscription de tous les votes à une seule place, la discussion publique de la légalité du vote, entretenaient et irritaient les passions des partis sans donner en compensation aucun avantage; les nouvelles dispositions qui ont été établies en ont fait justice, et ont garanti le tranquille exercice du droit des électeurs par les précautions les plus prévoyantes. Les promenades des partisans de chaque candidat réunis en troupe avec leurs insignes, leurs drapeaux, leurs couleurs, provoquaient des rencontres belliqueuses et parfois sanglantes; elles ont été interdites. La distribution publique des cocardes, des rubans, était une occasion fréquente de tumulte, et semblait comme un signe de reconnaissance entre les partis : elle est aujourd’hui passible d’une amende de 10 livres (250 fr.). Enfin l’ovation du candidat vainqueur, qui dans certaines villes était porté triomphalement en fauteuil sur les épaules de ses amis, suivi de tout le cortège de ses électeurs, était souvent un défi auquel le parti vaincu voulait répondre; elle a également cessé d’être autorisée. Ce sont là les salutaires réformes qui, sans demander aucun sacrifice à la liberté, pouvaient contribuer à assurer le bon ordre des élections. Dans la dernière épreuve que le pays vient de traverser, elles ont continué à tenir tout ce qu’on pouvait en attendre, et elles peu-

  1. Les adjoints préposés à la surveillance des baraques du poll sont rétribués à raison de 50 fr.; les clercs à raison de 25 fr. Les constables spéciaux sont payés de 6 à 12 fr. par jour. Le compte des frais de construction des baraques ne peut excéder 1,000 fr. pour les comtés, 625 fr. pour les bourgs.