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à environ 750 millions le chiffre des habitans de la terre entière et à 10 millions celui des métis[1].

Il faut bien remarquer que M. d’Omalius n’a fait entrer dans ses calculs aucune de ces races qui portent au plus haut degré le cachet d’une origine mixte, comme les Cafres ou les Malais, mais dont on ignore le point de départ. Il a tenu compte uniquement des métis, dont l’origine, remontant à l’époque moderne, est connue historiquement. Or ces derniers n’ont commencé à paraître qu’à la suite du grand mouvement qui vers la fin du XVe siècle entraîna les populations européennes dans les régions lointaines. L’Amérique a été découverte en 1492, le cap de Bonne-Espérance doublé en 1497. Ainsi c’est en trois siècles et demi seulement que s’est formée cette multitude de mulâtres, de zambos, de chulos, de griquas, de métis de toutes races, qui entre dès à présent pour 1/75 dans la population totale du globe. Et encore ne mentionnons-nous ici que le résultat du croisement entre les races extrêmes. Que serait-ce si nous tenions compte des mélanges effectués chaque jour entre les races voisines et les rameaux d’une même race ? Ce mouvement de fusion, déjà si rapide, ne peut que s’accélérer dans des proportions impossibles à prévoir sous l’influence de la facilité et de la fréquence croissante des communications. Il y a donc un intérêt bien réel à chercher quel en sera le résultat probable.

C’est ce qu’a voulu faire un écrivain qui possède évidemment beaucoup de savoir et de hardiesse d’esprit, mais qui, faute d’être naturaliste, devait presque nécessairement s’égarer. M. de Gobineau a ramené à l’étude des races humaines, aux résultats de leurs croisemens, l’histoire de toutes les grandes civilisations et des groupes politiques formés sous l’influence de ces dernières. Rattachant à une cause unique tous les ordres de faits moraux, intellectuels ou physiques, que peuvent présenter les peuples, il est remonté aux premiers temps de l’humanité, l’a suivie dans ses développemens et croit pouvoir prédire quand et comment elle finira. Chemin faisant, il a indiqué l’origine de toutes les sociétés, les a suivies dans leurs évolutions, précisé les causes de leur décadence et de leur dissolution. L’Essai sur l’inégalité des races humaines est ainsi devenu une esquisse d’histoire universelle prise au point de vue ethnologique. Or, lorsqu’une science est en voie de se former, — et l’ethnologie en est encore à peine là, — ces essais de synthèse, fussent-ils prématurés, ont toujours une valeur réelle. Ils font naître des rapprochemens, ouvrent des vues d’ensemble, conduisent à des idées générales, et par leurs défauts mêmes préparent l’avenir. À ces divers titres, l’ouvrage de

  1. Elémens d’Ethnographie.