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sur les navires néerlandais. On voit que ces dispositions étaient juste le contrepied de celles du Consulat de la Mer. Ainsi que le fait très bien observer Schœll, elles étaient doublement avantageuses à la marine hollandaise, à qui elles assuraient les chargemens des ennemis de l’Espagne, en détournant les citoyens néerlandais de la pensée de charger sur d’autres navires que les siens

L’Angleterre, qui dans plusieurs traités du XVe siècle avait adopté le principe contraire à la liberté du pavillon neutre, admit cette liberté dans le XVIIe par les traités de 1642 et 1654 avec le Portugal, de 1655 et 1677 avec la France, de 1667 et 1670 avec l’Espagne, de 1667 et 1674 avec la Hollande.

Par le traité de 1677, il avait été établi bien positivement que le pavillon couvrait la marchandise entre la France et l’Angleterre ; mais la France entendait si peu alors donner à ce principe un caractère général, que c’est le contraire qui fut posé comme règle dans la fameuse ordonnance de 1681, rendue au temps de la plus grande puissance de Louis XIV et dans tout l’épanouissement de son orgueil. Dans la guerre de la succession d’Espagne, le gouvernement de ce monarque alla encore au-delà de l’ordonnance de 1681 : il adopta pour maxime que la marchandise doit être considérée comme ennemie, non-seulement par la qualité du propriétaire, mais aussi par l’origine de la propriété. Le traité ou plutôt les traités d’Utrecht consacrèrent de nouveau la liberté du pavillon neutre entre la France d’un côté et la Grande-Bretagne et la Hollande de l’autre ; mais la France était si loin de vouloir, comme aujourd’hui, en faire la base du droit maritime international, que, dès l’année 1716, elle passa avec les villes anséatiques un traité où elle maintenait en grande partie les principes du XVIe siècle ; c’est ce qui fût encore démontré par le règlement de 1744[1] et par le traité de 1769 avec la ville de Hambourg, qui rejetaient l’un et l’autre la maxime que le pavillon couvre la marchandise[2].

Ce ne fut que pendant la guerre de l’indépendance de l’Amérique que la France adopta enfin le principe de la liberté du pavillon neutre, non plus comme concession faite à titre particulier, mais comme base du droit maritime, d’abord indirectement par le règlement du

  1. Ce règlement rendit cependant générale la modification apportée aux anciennes rigueurs par la dérogation exceptionnelle mentionnée au traité de 1716 ; mais il contient, à l’égard des navires de fabrique ennemie devenus propriétés des neutres, des dispositions sévères qui soulevèrent des réclamations.
  2. Dans un rapport du 16 mars 1812, adressé à l’empereur et inséré au Moniteur, le duc de Bassano, alors ministre des relations extérieures, avance que les droits maritimes des neutres ont été réglés solennellement par le traité d’Utrecht, devenu la loi commune des nations, loi textuellement renouvelée par tous les traités subséquens. On voit que c’est là une grande erreur : les conventions d’Utrecht n’eurent nullement le caractère général que le duc de Bassano leur prête, puisque la France s’en écarta trois ans après.