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de terre, et que ces sages mesures d’hygiène ne fussent jamais enfreintes sans une nécessité bien démontrée et absolue. On donne des récompenses aux colonels de cavalerie dont les escadrons conservent le plus de chevaux, et ces récompenses entretiennent une excellente et profitable émulation. On aurait des résultats semblables, mais plus importans et plus heureux encore, si l’on accordait des faveurs analogues aux colonels dont les bataillons conservent le plus d’hommes en état de santé.

Le vin n’entre dans la ration ordinaire du soldat qu’en temps de campagne. Celui qu’on distribuait à l’armée d’Orient était généralement bon ; chaque soldat avait un quart de litre. Les officiers étaient autorisés à prendre chaque jour dans les magasins, en sus de la ration, un litre de vin qu’ils payaient 80 centimes. Le commerce privé vendait le vin trois fois plus cher. En temps d’épidémie, le maréchal Pélissier a doublé la ration. Nous avions même pour nos malades des vins généreux que l’administration nous donnait libéralement. L’eau-de-vie alternait avec le vin ; la ration était d’un seizième de litre. Prise avec intempérance, l’eau-de-vie est très dangereuse en hiver, et expose les ivrognes à périr congelés ; prise avec modération, elle provoque une réaction salutaire. Un lieutenant de vaisseau, M. Laurent, chargé avec ses marins du service de jour et de nuit d’une batterie sous Sébastopol, a conservé, pendant l’hiver la santé de ses canonniers en leur donnant à intervalles égaux, pendant la nuit, trois grogs chauds faits avec l’eau-de-vie de distribution ; l’organisme acquérait ainsi une grande force pour résister au froid.

Le café remplaçait souvent le vin et l’eau-de-vie. La ration se composait de 16 grammes de café et de 21 grammes de sucre. Pendant les premières campagnes d’Algérie, les colonnes expéditionnaires recevaient d’avance leurs rations d’eau-de-vie pour huit jours, et ces rations étaient consommées avant le départ. L’ivresse préludait d’une façon déplorable aux fatigues et aux privations de la guerre ; au moment de l’expédition de Mascara en 1834, elle avait déterminé l’entrée dans les ambulances d’une foule de soldats atteints de dyssenterie. Quand on repartit pour l’expédition de Tlemcen, je conseillai la substitution du café à l’eau-de-vie, et fessai fut décisif. Le café est devenu pour nos soldats en campagne une boisson hygiénique et préférée. Il prévient les relâchemens intestinaux si fréquens dans les pays chauds. Les Arabes prennent chaque jour plusieurs infusions légères de café. Transportés dans leur pays, nous devions nous laisser guider par leurs habitudes traditionnelles, qui avaient leur raison d’être. Le café contient des principes azotés qui sont des élémens nutritifs. Le soldat, en y trempant